فایل کامل مجلّه مطالعات زبان فرانسه دو فصلنامه علمی پژوهشی زبان فرانسه دانشکده زبانهای خارجی دانشگاه اصفهان

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Tâ ÇÉÅ wx W|xâ Revue des Études de la Langue Française Revue semestrielle de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan Cinquième année, N° 8 Printemps-Eté 2013, ISSN 2008- 6571 ISSN électronique 2322-469X Cette revue est indexée dans: Ulrichsweb: global serials directory http://ulrichsweb.serialssolutions.com Doaj: Directory of Open Access Journals http://www.doaj.org IslamicWord Science Citation Center http://www.ISC.gov.ir SID: Scientific Information Database http://www.SID.ir Journals Database (Magiran) http://www.magiran.com Ministry of Science, Research and Technology http://www.msrt.ir BJM Electronic Database http://www.uijs.ui.ac.ir/relf Instructions éditoriales 1. Revue des Études de la Langue Française publie des articles en français, dans des domaines comme la littérature, la linguistique, la didactique des langues, les théories littéraires et la traductologie. 2. Revue des Études de la Langue Française est semestrielle. 3. Les articles devront être inédits (ne pas avoir été déjà publiés ou soumis à une autre revue). 4. La soumission se fait uniquement en ligne: www.uijs.ui.ac.ir/relf. 5. L'article doit comprendre: le résumé, les mots clés, l’introduction, le développement, la conclusion et la bibliographie, avec le résumé en anglais et en persan. 6. L'article doit faire entre 4500 et 7000 mots. Il sera précédé d’un résumé en français (de 150 à 200 mots) avec 5 à 7 mots clés, et de sa traduction en anglais et en persan (pour les auteurs qui ne connaissent pas le persan, l’éditorial s’en prendra la charge). 7. L'article doit être présenté sous Word, Times New Roman 12 et 1.5 d’interligne pour le corps du texte. 8. Les citations de plus de 4 lignes feront l'objet d'un paragraphe séparé et elles seront mises en retrait par rapport à la marge de gauche et seront mises entre guillemets. Elles devront être en caractère 10 et en interligne single. 9. L'auteur utilisera des italiques pour citer des mots ou des phrases dans une autre langue que le français et en fournira la traduction. 10. L'auteur utilisera des italiques dans le cas d'ouvrages cités dans le texte. 11. La bibliographie sera située à la fin de l'article et sera précédée par la mention Bibliographie. 12. L'auteur utilisera le protocole APA. Les articles ne satisfaisant pas à ce protocole ne seront pas examinés. Livres: Mounin, G. (2008). Les problèmes théoriques de la traduction. Paris: Gallimard. Articles: Thoiron, Ph. & Béjoint, H. (2010). La terminologie, une question de termes?. Meta, 55/1: 105-118. Sitographie: Rheaume, J. (1998). Apprivoiser la technologie éducative, éléments de cours. http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/tv/plxx135.html#bib. Consulté le 20 mai 2001. 13. Les ouvrages d’un même auteur parus dans la même année seront distingués par des lettres minuscules (a, b, c) juste après la date de publication. 14. La référence des citations dans le texte: «Chaque langue structure la réalité à sa façon et, par là même, établit les éléments de la réalité qui sont particuliers à cette langue donnée» (Mounin, 2008: 44). 15. Les notes en bas de page seront placées au bas de chaque page et non à la fin de l'article. Elles doivent être situées immédiatement après le passage auquel elles renvoient et avant la ponctuation. Les notes en bas de page seront numérotées consécutivement en chiffres arabes. Elles ne devront pas être utilisées pour citer des références bibliographiques, mais pour faire des commentaires substantiels susceptibles d'éclairer un point. 16. Tous les articles seront soumis à des évaluations sur une base anonyme. 17. La Rédaction de la Revue se réserve le droit de refuser ou d’apporter des corrections aux textes lors de leur évaluation. Revue des Études de la Langue Française Revue semestrielle de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan Cinquième année, N° 8, Printemps-Eté 2013 ISSN 2008- 6571 ISSN électronique 2322-469X Directeur: Shokrian Zeini, Mohammad Javad [email protected] Rédacteur en chef: Gashmardi, Mahmoud Reza [email protected] Directeur-adjoint: Salimikouchi, Ebrahim [email protected] Directrice exécutive: Kazemi, Nadia 03117932115 Éditrice: Azimi Meibodi, Nazita [email protected] Éditeur des résumés anglais: Shahnazari, Mohammad Taghi [email protected] Mise en page par: Abrary, Tayebeh 03117932115 Comité de rédaction Abassi, Ali Maître de conférences Université Shahid Beheshti,Téhéran, Iran Asghari Tabrizi, Akbar Professeur émérite Université d'Ispahan, Ispahan, Iran Beikbaghban, Hossein Professeur émérite UMB, Strasbourg, France Djavari, Mohammad Hossein Professeur Université de Tabriz, Tabriz, Iran Foroughi, Hassan Professeur Université Shahid Chamran, Ahvaz, Iran Gashmardi, Mahmoud Reza Maître de conférences Université d'Ispahan, Ispahan, Iran Raguet, Christine Professeur Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III), France Salimikouchi, Ebrahim Professeur assistant Université d'Ispahan, Ispahan, Itan Shaïri, Hamid-Réza Maître de conférences Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran Adresse postale : Revue des Études de la Langue Française, Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan. Université d'Ispahan, Ispahan, Iran. C.P.: 81744- 73441 Téléphone: 0098 3117932115 Télécopie: 0098 3116687391 Adresse électronique: www.uijs.ui.ac.ir/relf Table des matières Ressorts écofictionnels de la nouvelle «Fragment du livre de la mer» de Roland Wagner E. Esfandi La négation en tant que processus de la signification: le cas des discours littéraires S. Kariminejad, H.R. Shairi, P. Safa & L. Nabavi Décepteur des contes renardiens et déstructuration de la cellule familiale: fonctionnalité et significations J. R. K. Kouacou De la linguistique descriptive à la linguistique appliquée en côte d’ivoire: analyse et propositions P. A. Kouadio Etude de la structure narratologique dans «Carnet d’assurance maladie» de Jalāl Al-é Ahmad M. Nazri-Doust Étude du portfolio de la production orale des apprenants iraniens du FLE (De l’évaluation formative à l’autoévaluation) R. Rahmatian, M. Mehrabi & J. Kahnemouipour 1-14 15-24 25-36 37-46 47-56 57- 66 Abstract 67 Résumés en persan Ressorts écofictionnels de la nouvelle « Fragment du livre de la mer » de Roland Wagner Esfandi, Esfandiar Maître assistant, Université de Téhéran, Téhéran, Iran [email protected] Reçu: 12.3.2013 Accepté: 11.6.2013 Résumé Les «Ecofictions», désignent les objets narratifs (filmiques ou textuels) produits grâce au «régime de médiatisation» pluriel, massif, et surtout très actuel des «thèses environnementales» la nouvelle de Wagner en l’occurrence, illustre efficacement la part prise par l’auteur de L’Odyssée de l’Espèce, à l’esprit éco-environnementaliste. Aucune prouesse technique, aucune innovation dans ce texte dont l’intérêt essentiel réside dans la manière dont il exemplifie la trace laissée par un paradigme riche de ses enjeux collectifs dans l’imaginaire culturel d’un auteur. Le «Fragment du livre de la mer» est une histoire ingénument narrée, ouverte au passé par son caractère merveilleux, et tournée vers l’avenir dont il établit un timide état des lieux. Par l’analyse de la structure symbolique, générique, et par la déclinaison de ses pans thématiques subséquents sera mise en valeur dans le présent article l’esthétique générale de la nouvelle. Au-delà, il s’agira pour nous de mettre à jour les soubassements contextuels et idéologiques à partir desquels se déploie la thématique écofictionnelle qui continue, depuis ses origines postindustrielles, à irriguer les consciences. Mots-clés: Roland Wagner, écofiction, science-fiction, environnement, techno-science, New Age. Introduction En 1998, au moment de la première publication de la nouvelle de R. Wagner, «Fragment du livre de la mer», l’heure est, depuis deux décennies au moins, au catastrophisme en matière d’environnementalisme. Aujourd’hui encore, les alarmantes hypothèses d’un James Hansen à propos du réchauffement climatique en 1980 n’ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire, elles ont conduit de fils en aiguilles au protocole de Montréal relatif à la maîtrise drastique de l’usage des chlorofluorocarbures qu’on accuse volontiers de détériorer gravement le précieux revêtement d’ozone de l’atmosphère. Le débat fait depuis rage, entre les environnementalistes de tous bords les uns fustigeant l’irresponsabilité grandissante des nations industrialisées ou en voie de développement vis-à-vis de la préservation de la nature et de ses écosystèmes les autres, pour minimiser le drame «médiatique» voire «trop médiatisé» du réchauffement de la planète et partant, la part de responsabilité effective de l’homme dans cette supposée dégradation environnementale et climatique. «L’écologie contemporaine sème l’effroi en pointant du doigt les signes avant-coureurs du futur qu’elle prédit» (Chelbourg, 2012: 9). Elle s’exprime majoritairement via les mass médias et par la voix et à travers l’action de figures médiatiques et populaires comme Al Gore, ex-prétendant au fauteuil 2/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 de la maison blanche, et Nicolas Hulot en France, qui ne lésinent pas à faire don de leur personne pour rendre visible les termes d’un combat aujourd’hui d’avant-garde, nourrit en amont parla philosophie morale et globalement anti-techniciste des émules d’un Engelhardt ou d’un Jonas dont les paroles sonnent comme autant de mises en garde face à l’irresponsabilité des multinationales pollueuses et de la complaisance aveugle des états1. Dans ce positionnement idéologique, la fiction n’est pas en reste. Du côté de l’image, l’abondante production Hollywoodienne occupe depuis quelques décennies déjà (logique commerciale oblige) le terrain fructueux de l’alarmisme à coup de scénarios catastrophes grands spectacles, climatiques (The Day after toomorow) ou bio-centrés (Omega Man, Soleil vert). Le filon est porteur et mise sur la propension de l’être humain à rechercher dans le confort de son imaginaire des sentiments mêlés d’inquiétude et de consolation, d’espoir et de désespoir, etc. Elle s’abreuve souvent à la source d’une littérature postindustrielle, consciente de par sa modernité, de la force relative et des faiblesses inhérentes à l’espèce humaine, de ses interactions avec le milieu, aujourd’hui et à l’avenir. Il s’agit dès lors pour la fiction «(…) de rendre l’avenir présent, de le mettre sous nos yeux, afin de le maîtriser par l’imagination» dixit Chelbourg (2012: 10) qui définit ainsi, en suivant Gilbert Durand, l’impératif anthropologique (une «hypotypose future») duquel participe l’imaginaire en général, et pour ce qui 1. Voir Le principe responsabilité de Hans Jonas (Flammarion, Paris, 2008). concerne notre étude, la littérature de fiction (Durand, 1969: 408).Un imaginaire de l’urgence écologique a donc vu le jour pour produire une ribambelle plus ou moins heureuse de fictions écologiques. Les «Ecofictions», désignent à ce titre les objets narratifs (filmiques ou textuels) produits grâce au «régime de médiatisation» pluriel, massif, et surtout très actuel des thèses environnementales (Chelbourg, 2012: 10) la nouvelle de Wagner en l’occurrence, qui illustre efficacement la part prise par l’auteur de L’Odyssée de l’Espèce à l’esprit éco-environnementaliste. On ne trouve aucune prouesse technique, aucune innovation formelle dans ce texte dont l’intérêt essentiel réside dans la manière dont il exemplifie la trace laissée par un paradigme riche de ses enjeux collectifs dans l’imaginaire culturel d’un auteur. Le «Fragment du livre de la mer» est un livre ouvert, une histoire ingénument narrée, ouverte au passé par son caractère merveilleux, et tournée vers le futur dont il établit un timide état des lieux. Par l’analyse de la structure symbolique, générique, et par la déclinaison de ses pans thématiques subséquents sera mise en valeur dans cette étude, l’esthétique générale de la nouvelle. Au-delà, il s’agira pour nous de mettre à jour les soubassements contextuels et idéologiques à partir desquels se déploie la thématique écofictionnelle qui continue, depuis ses origines postindustrielles, à irriguer les consciences. 1. Structure et symbolique d’une fiction écologique Sacrifions au réductionnisme d’usage et présentons Roland Wagner pour ce qu’il est: Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/3 un auteur de science-fiction. Le cadre et les motifs de la nouvelle l’attestent, et bien avant, l’anthologie d’accueil dont le titre, Nouvelles des siècles futures, ne laisse aucun doute quant au contenu de l’ouvrage, publié par les éditions Omnibus en 2004. Celui-ci regroupe un ensemble de nouvelles produites par des auteurs de tous horizons et de tous les temps. On y croise aussi bien les textes des initiateurs du genre tels que Jules Vernes ou H.G. Wells, des Maîtres anglosaxons de l’âge d’or de la SF tels qu’Isaac Asimov et Arthur C. Clarke, que des continentaux, russes ou allemands. La présentation est également diachronique : elle débute par un texte de Lovecraft, traverse le siècle de toutes les inventions et se clôt sur les écrits les plus récents en matière de SF. Le français Wagner représente pour sa part la génération d’après 1980. Son premier roman, Serpent d’angoisse date de 1987 et inscrit directement son auteur dans la lignée des créatifs de l’imaginaire francophone de sa génération, au côté des Ligny, Genefort ou Brussolo. Première date et premier support de parution pour la nouvelle qui nous concerne: 1995 dans Le Journal de la ville de Paris (avec en prime un prix Eiffel). Il va sans dire que le format final d’accueil, l’anthologie générique, permet un meilleur ciblage de la catégorie lectorielle à laquelle est adressée le «Fragment du livre de la mer». Car c’est un fait, l’imaginaire spéculatif, prospectif, le merveilleux scientifique (selon le mot de Maurice Renard) science-fictionnel en somme, continue de produire un profil type de lecteur ouvert aux caractéristiques d’univers du récit d’anticipation. Accoutumés au Sens of Wonder et aux anomalies référentielles, au xéno-encyclopédisme assumé des récits et à la prodigalité inventive des auteurs et à la singularité de leurs canevas narratifs (parfois décalés sur le plan de la vraisemblance) les adeptes de la SF sont souvent sinon des convertis, du moins des familiers de la chose: l’univers, l’espèce et son devenir, déclinés suivant une liste non close d’entrées diégétiques (le voyage, la découverte, l’amour, le conflit, etc.). Le récit SF est celui-là même qui optimise le questionnement relatif à l’avenir de l’homme, sous forme d’hypothèses plus ou moins colorées, en proposant des cadres diégétiques et conceptuels conformes aux questions inférées1. La SF ne se distingue cependant pas de l’ensemble de la production littéraire, fictionnelle ou non, quand il s’agit de sa dimension morale. Nous disons bien morale et non moralisante au sens où celle-ci n’a pas pour vocation de conduire à des assertions édifiantes. Prises dans leur ensemble, les oeuvres produites, littéraires ou cinématographiques, autorisent «(…) une analyse distanciée et pourtant empathique des ‘perplexités’ morales» (Gangloff, Helfrich, 2010: 16). Le régime SF impose en revanche non seulement une variation d’amplitude aux perplexités existentielles mises à jour dans la littérature 1. Des mondes possibles par exemple, flanqués d’une temporalité alternative. Le roman Spin du Canadien Robert Charles WILSON (Gallimard, 2007) offre en l’espèce un cas exemplaire de traitement du concept de relativité. L’univers du récit fait cohabiter temporairement deux régimes de temporalité incommensurables, celle de la terre engoncée dans son « revêtement spin » dont la fonction est de ralentir au millionième le déroulement du temps réel, et celle du reste de l’univers, conséquemment démultipliée par rapport au temps tellurique. 4/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 générale1, mais de surcroit, un changement d’échelle (qui s’apparente à un véritable changement de référentiel) en passant de l’individu à la collectivité, à l’homme dans son universalité. Le «Fragment du livre de la mer» de Roland Wagner exemplifie précisément, en la personnalisant avec les moyens habituels de la littérature d’anticipation (en particulier l’extrapolation scientifique ou pseudo-scientifique) et sur un mode mineur, les inquiétudes bioenvironnementales de notre espèce. 1. a. Suspension générique pour forme brève à définir Le «Fragment du livre de la mer» est un texte court qui participe d’une définition succincte de la nouvelle science-fictionnelle: «une aventure possible à plus ou moins longue échéance» (Godenne, 1995: 118). La formule donne, il est vrai, l’impression de seller le sort du genre de manière pour le moins expéditive. Elle suffit cependant à particulariser la nouvelle SF comme sousgenre de la «nouvelle». Par définition généralement courte et fortement cohésive, celle-ci «(…) procure au lecteur l’impression d’être fermement structurée (…)» autour donc, d’une thématique restreinte (Didier, 1996: 7). La définition vaut pour le texte de Wagner et pour tous les récits regroupés par Jacques Goimard et Denis Guiot dans l’imposant recueil Nouvelles des siècles futurs, à cette différence près que le «Fragment…» est également, nous le constaterons plus loin, redevable du «conte» ou du moins, du type 1. Variation également visible dans le plus terre à terre des romans noirs (pour ce qui est de l’angoisse) ou des romans à l’eau de rose (quand il s’agit d’amour). narratif identifié comme tel par le sens commun. La nuance a son intérêt. Elle évite d’assimiler trop hâtivement les deux notions car, s’il est vrai que depuis le 19ème, on laisse volontiers se superposer les termes «nouvelle» et «conte», au 18ème en revanche, le second renvoyait systématiquement à «(…) une aventure fondée sur des incidents d’une autre nature (…) ou d’un autre ordre (…)», des contes de fées, orientaux ou allégoriques donc, ou bien philosophiques et moraux (Godenne, 1995: 55). Au siècle suivant, il n’était plus question, pour Nodier ou Gautier par exemple, de démarquer les deux genres et les Contes en prose et en vers (1837) du premier, ainsi que les Romans et Contes (1872) du suivant mélangent allègrement les deux appellations pour des textes dont la brièveté seule (et le talent) aura permis le rassemblement en volume. La distinction reste en revanche de mise aujourd’hui pour le sens commun qui n’hésite pas à relever, à la lecture du conte, certaines de ses proéminences: l’«irréalité»du contexte, l’«ingénuité» de ton et surtout, la présence textuellement marqué du locuteur par l’intermédiaire duquel le récit nous est littéralement «conté». La «nouvelle» sera par opposition perçue comme un condensé de roman un roman dépouillé de ses «fioritures», débarrassé du déploiement interminable de ses composantes au fil des pages (son personnel, ses thèmes et ses motifs, ses «voix» multiples, etc.). «Fragment du livre de la mer» répond au format éditorial de la nouvelle tout en véhiculant la charge d’irréalité et d’ingénuité nécessaire au conte. Il y est question de Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/5 notre future proche et d’un traitement alternatif de la problématique trinité, moderne, post et hypermoderne1: l’Homme / la machine (la technologie) / la nature. Ce récit à la troisième personne (dans la tradition du roman réaliste) campe un personnage seul (et solitaire) sur un bateau de pêche high tech, automatisé, suspendu à «six cents milles au large d’Ouessant» (Wagner, 1998: 1228). Le décor est minimaliste pour une action cadre que l’on peut résumer de la sorte: une pêche cybercommandé dans un contexte d’urgence environnementale (l’époque est à la disparition progressive des mammifères marins) où règne paradoxalement un calme trompeur précédant l’apparition dans les mailles du filet du chalutier, d’un «gosse» ayant l’air «tout à fait vivant» (Wagner, 1998: 1229). Facteur perturbateur dans une scène liminaire tout en vraisemblance, l’improbable individu va générer l’incertitude quand à son existence effective ou imaginée (par le pêcheur Belkacem Le Louët) qui se traduira au niveau de la représentation par l’alternance toujours hypothétique du rêve et de la réalité. L’histoire est donc centrée sur un unique personnage auquel viendra se greffer un actant nébuleux, alibi verbal d’une thèse plutôt qu’entité anthropomorphe dûment concrétisée. Cette thèse: la néantisation progressive de la créativité humaine suite à la dégradation progressive du milieu pour cause d’impact environnemental (I.E) négatif de l’homme sur la biosphère, le tout conduisant au départ des mammifères 1. Voir sur ce thème, Gilles Lipovetsky, Les temps hypermodernes, Nouveau Collège de Philosophie, Paris, Grasset, 2004. marins, principaux vecteurs de créativité humaine, vers une dimension parallèle. La thèse, science-fictionnelle s’il en est, interprète le concept d’«héritage bioculturel» en fictionnalisant le lien nature / société, en réifiant l’interaction entre les organismes vivants et l’environnement sous la forme féerique d’une symbiose entre l’homme et l’animal. Il s’agit donc d’une écofiction, autrement dit d’une souscatégorie de la science-fiction avec laquelle il faut compter, au moins depuis la parution en 1965 de l’emblématique roman-univers Dune de Frank Herbert2. La nouvelle de Wagner prend des airs de conte quand elle flirte avec la fable animalière. Elle donne également lieu à un exposé didactique et édifiant relatif à la débâcle bio-culturelle, formulé dans les termes du darwinisme et de la biologie environnementale, dans un style qui prévient le risque de dérive jargonnesque en restant d’une lisibilité cristalline (trop cristalline ?). Frôlerait-elle alors (nous-y reviendrons) le traitement «bon enfant» et le risque d’être pour partie considérée comme simple historiette pour jouvenceau en mal de révolte. Nous pensons que non car fort heureusement, l’actualité de la thématique (l’écologisme, la critique techniciste de la dialectique homme / machine,l’inquiétude éco-environnementale) et le traitement particulier que l’auteur réserve à son morceau didactique (le point de vue de l’homme-enfant) permettent au récit de 2. Rappelons pour mémoire qu’on parle également de « Fiction spéculative » concernant des romans ou nouvelles futuristes qui, contrairement à la Hard SF, minorisent la place de la science. Voir par exemple Sécheresse de James G. Ballard (1964) ou Le Monde vert de Brian Aldiss (1962). 6/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 déployer sa charge d’imaginaire au-delà de l’apparent premier degré de dénonciation. 1. b. Les entrées thématiques explicites: Techno-science et éthique de l’environnement Le récit ouvre donc un champ thématique à l’alarmisme écologique et à la technoperplexité ambiante. Celle-ci n’a évidemment pas attendu les années 90 pour s’exprimer à travers le médium artistique, élitiste ou populaire, dans les ouvrages de Jacques Ellul ou sur grand écran. On se souvient de l’impact sociétal du film Soleil Vert qui incita, image de marque et philanthropie obligent, les grandes firmes, usines et manufactures des pays développés à reconsidérer la douteuse efficience du traitement de leurs rejets industriels.Le débats des «antis» à pris aujourd’hui des allures de méli-mélo où viennent se croiser sous une même bannière, les préoccupations technophobes, pro-environnementales ou anti-progressistes, chacune légitimes malgré la cacophonie médiatique à laquelle elles sont susceptibles de donner lieu (pour preuve les multiples sommets qui se croisent sans se rencontrer). Dans ce contexte l’écofiction gagne, en sus de sa vocation à divertir, celle de rendre compte de l’angoisse ambiante face à l’apparent dérèglement de l’équilibre biologique nécessaire à la survie des espèces (la nôtre comprise) et de leur habitat. Elle est «(…) une manière d’entrer en résonnance avec l’imaginaire d’une époque fascinée par sa puissance et terrifiée par un avenir dans lequel elle ne sait plus lire que des promesses de déclin» (Chelbourg, 2012: 229). Ces préoccupations comblent, sous la forme de constats dramatisés et à faible renfort de personnages, la vacance topographique projetée par le «Fragment du livre de la mer», dont le principal protagoniste sait pertinemment que sa «machine» (son chalutier) est (…) plus compétente que lui (Wagner, 1998: 1233). Il reconnaît l’infime place réservée à l’humain dans un monde «automatisé» où les campagnes de pêche se satisfont d’un seul et unique membre d’équipage, et ce, malgré la législation maritime faussement humaniste qui stipule qu’«(…) aucun ordinateur ou réseau d’ordinateurs ne [doit] être laissé sans surveillance humaine aux commandes d’un engin motorisé» (Wagner, 1998: 1228). La remarque a valeur d’aveu et dépouille le facteur humain de sa qualité d’agissant. Il s’inscrit ainsi en filigrane du récit, une image dystopique du progrès technologique que l’évolution du texte et son dénouement viennent définitivement conforter: Belkacem cède à l’appel de la mer et s’en va rejoindre les mammifères en partance vers une énième utopie, cette fois pareillement partagée par l’homme et l’animal. «Il subsistait si peu de poisson dans les océans (…)» (Wagner, 1998: 1229) nous dit le narrateur. Citation à laquelle répond en échos cette information déjà ancienne: «L’:::union::: Internationale pour la Conservation de la Nature (l’UICN) estimait en 2008, que plus de 20% des 5400 mammifères de la planète étaient menacés» (Vernier, 2011: 92).La disparition apparente des mammifères marins est alors contrebalancée, en imagination, par leur scission d’avec l’actuel règne humain et leur accession à un «(…) univers où avait fui toute l’imagination du monde» (Wagner, 1998: 1238). La nouvelle exemplifie Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/7 concrètement et symboliquement le technoscepticisme et l’importance de l’«empreinte écologique» de l’homme1. Elle laisse apparaître d’une part une non-relation entre le personnage principal et la «machine» en déplaçant la part constructive de l’action vers le chalutier «entièrement automatisé», en neutralisant l’habituel statut actantiel de l’homme, en réduisant son rôle à celui d’observateur passif d’autre part, elle met en scène les conséquences de la surexploitation de la nature, la situation d’«overshoot» (Viel, 2006: 34) à laquelle est actuellement confrontée notre civilisation, en la déplaçant vers la fable futuriste. Ainsi thématisé et finalisé, le récit prend la forme d’une chronique dysphorique (pour une fin annoncée) et rend synthétiquement compte, le format de la nouvelle aidant, d’un état de civilisation à venir. 1. c. Le recourt au nivellement représentationnel L’événement central autour duquel se construit le récit est sans conteste la découverte de l’enfant dans les mailles du filet du chalutier. L’invraisemblance de la situation ouvre d’emblée la porte au nivellement représentationnel et à la modélisation de la réalité intratextuelle: «[Le navigateur] crut tout d’abord se trouver en présence d’un poisson d’une espèce inconnue, dont la forme évoquait celle d’une main. Puis il vit le poignet, et une partie de l’avant-bras qui y était attaché, et il comprit 1. Le concept d’«empreinte écologique» a été développé conjointement par Mathis Wackernagel et William Rocs dans les années 1990 et consiste, très schématiquement, en «(…) une mesure simplifiée de la pression exercée par l’homme sur la nature» (Dominique VIEL, Ecologie de l’apocalypse, 2006, p. 33). qu’il ne s’agissait pas d’un poisson » (Wagner, 1998: 1229). La suite du récit sera fortement tributaire du point de vue de Belkacem et du degré de réalité qu’il confère à l’apparition. Le rêve et la réalité vont dès lors se partager alternativement l’espace du texte pour finalement se superposer au terme du récit. Quatre moments sont à prendre en compte dans l’ensemble de la représentation. 1/ La scène d’exposition qui, par la vacuité du cadre présenté (l’eau et le chalutier) fait office d’«appel d’air» à l’événement «singulier» et à sa charge fictionnelle. 2/ L’événement en tant que tel (l’enfant) qui s’insinue dans la diégèse comme un motif fantastique pour faire entrer le récit dans sa phase alternative: rêve et réalité, rationalisme et irrationalité vont se partager les trois quart restant de la nouvelle. 3/ Le rêve est ensuite explicitement introduit en prévision d’un prochain et imminent basculement onirique: «(…) il s’était laissé emporter par le flot onirique jusqu’au petit matin (…) la couchette était vide (…). Etrangement, il éprouva plus de difficulté à envisager la réalité de cette rencontre impossible qu’il n’en avait rencontré un instant plus tôt pour admettre qu’il s’agissait seulement d’un rêve de marin trop solitaire» (Wagner, 1998: 1231). L’introduction du thème du rêve est précédée de son contexte, un jeu de motscroisés dont «(…) les grilles à demi remplies le poussèrent à prendre un crayon» et à rejoindre le royaume de Morphé. 4/ Escamotage de la scène rêvée, ultérieurement retranscrite sous forme d’un monologue au statut ontologique incertain. Durant son sommeil, Belkacem a pris des 8/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 notes qu’il s’applique à remettre dans l’ordre à son réveil. Une fable scientiste s’ensuivra sous les traits d’un long discours rapporté, au cours duquel l’énigme de l’enfant trouvé trouvera sa résolution. Durant son sommeil (provoqué ?) Belkacem rédige à son corps défendant (télépathie oblige) une manière de charte racontée en faveur de la préservation de l’environnement. Il en ressort un récit enchâssé, sorte d’îlot énonciatif quasi autonome et fortement axiologique. Il relate une histoire alternative de la Terre qui doit beaucoup à la logique darwinienne de la prolifération sélective des espèces, aux discours relatifs à leur capacité d’adaptation, ainsi qu’à leur complémentarité. Ce morceau didactique offre une vue succincte de «(…) L’histoire de la planète. L’histoire de la vie, de son évolution obstinée, de ses innombrables mutations» (Wagner, 1998:1234). Le texte associe allègrement lecture et interprétation naturaliste du vivant, au spiritualisme New Age dont il sera plus loin question: «La symbiose qui unit l’ensemble des créatures vivantes est plus profonde qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas seulement d’un système fonctionnant en vase clos, d’un processus pour ainsi dire mécanique d’association entre les espèces. Elle possède également une dimension spirituelle – dont les cétacés, et plus particulièrement les dauphins, sont les catalyseurs. Nous régulons l’harmonie psychique de ce monde» (Wagner, 1998: 1234)1. La sobriété de ton, tire le discours vers le compte rendu zoologique alors même que le traitement réservé au motif du dauphin le rattache à la féerie animalière. Le 1. C’est nous qui soulignons. rêve est le lieu d’une inférence surnaturelle qui rationnalise l’inconcevable. Paroles positives et fantasmagorie onirique traverse le récit en suspendant sa charge de réalité. Et c’est bien à l’omniprésent motif de la rêverie que le récit doit le maintient de son atmosphère d’incertitude tant représentationnelle que générique. Car d’une part, la posture psychologique dubitative du personnage se répercute sur l’ensemble du récit et suspend l’identification ontologique de l’univers configuré par celui-ci, et d’autre part, la sauvegarde de cette incertitude ontologique empêche la cristallisation générique de l’histoire jusqu’à son dénouement. Autrement dit, le positionnement générique du lecteur ne cesse de balancer entre récit merveilleux et science-fiction. Les motifs de la fable (l’enfant, les mammifères, la poésie marine) interfèrent avec ceux du discours rationnel sur la préservation de la nature, de la beauté et de la créativité. Des profondeurs de la mémoire de Belkacem «des bribes de légendes anciennes remontèrent, nous est-il dit, telle une déferlante sur la crête de laquelle surfaient cités englouties, hommespoissons, sirènes à la voix enchanteresse, dieux atrabilaires armés de tridents et déesses voluptueuses juchées sur des coquillages géants» (Wagner, 1998: 1230). Des images fantasmagoriques en puissance, et qui le disputent, répétons-le, à la retranscription par le navigateur de l’idiolecte scientifique des naturalistes et des protecteurs de la nature, à même les pages d’un magazine (état de transe ou de sommeil aidant). Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/9 2. Les soubassements New Age de la nouvelle Un récit naturaliste donc, qui choisit comme décors l’océan, niche écologique à l’échelle du monde, et comme mode de narration, celle à la troisième personne qui permet d’établir avec objectivité (le sujet est sérieux et présenté comme tel) une distance respectable avec l’événement décrit. La focalisation interne et l’adoption du point de vue du personnage par le narrateur confère alors ponctuellement à l’histoire un supplément d’intensité (psychologique) et permet aux lecteurs d’en percevoir toutes les virtualités (le monde objectivement décrit en même temps que les doutes du personnage). L’auteur, par l’intermédiaire du décor et de la perspective narrative compose ainsi, avec un art consommé du dépouillement, une nouvelle dont la seule dimension dénotative suffit à asseoir le caractère édifiant. Or, une esthétique impliquant toujours des présupposés, c’est sur d’autres thèses, contemporaines et particulièrement prégnantes dans le contexte d’urgence environnemental actuel que l’on débouche en remontant le fil de la symbolique écofictionnelle de ce bien nommé «Fragment du livre de la mer». 2. a. La nébuleuse de «l’Age du Verseau» Qu’on les considère comme spiritualistes, millénaristes, animistes, ces thèses associent indistinctement des croyances mystiques anti-créationnistes qu’il serait malaisé de rattacher à une chapelle particulière. On parle alors de New Age pour désigner dans leur ensemble, toutes les philosophies qui prônent l’«éveil spirituel» moyennant un retour de l’individu sur lui-même et sur le monde. «(…) il n’y a donc rien de moins nouveau que le New Age» comme le note Massimo Introvigne, spécialiste du mouvement, qui ajoute que tout ce qui relève de «l’idée de changement d’époque», millénarisme oblige, peut être considéré comme «point de départ» du New Age (Introvigne, 2005: 52). On considère malgré tout que c’est dans la Californie des années 1960 et sa contreculture «Hippie» que le New Age aura trouvé sa géographie d’élection, avant d’être théoriser par Marilyn Ferguson en 1980, dans son ouvrage, Les Enfants du Verseau. Le titre du livre fait référence à un ouvrage bien antérieur, L’Ere du Verseau, rédigé en 1937 par le Français Paul le Cour (1871- 1954) un féru d’astrologie qui plaçait dans le signe du Verseau une espérance toute particulière.1 De cette «Ere du Verseau» chère aux plus ésotériques parmi les adeptes de l’astrologie, il est dit qu’«(…) elle débute lorsque le lever du soleil à l’équinoxe de printemps passe du signe zodiacal des Poissons à celui du Verseau (sic)» et par la suite et surtout plus prosaïquement, que le signe du Verseau symbolise «(…) l’effusion bénéfique et fertilisante de la prospérité et de la paix» (Vernette, 1993: 3).Cette aspiration à une nouvelle ère de béatitude, en vogue depuis les années 1960, s’est un temps généralisée en puisant son inspiration dans les sources orientales (indouisme, tantrisme, etc.). Elle signale par-dessus tout le retour d’une forme d’animisme contemporain qui jadis «(…) caractéris[ait] l’alchimie de la renaissance italienne» (Chelbourg, 2012: 32) et constitue à ce titre une aspiration 1. Comme l’indique le sous-titre de son livre: «Le secret du zodiaque, le proche avenir de l’humanité». 10/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 également occidentale qui s’est décliné aussi bien dans les termes de la religion chrétienne d’une Alice Bailey (théosophe qui, dans entre les années 20 et 30 professa le retour du Christ) que dans ceux, écologiques, de James Lovelock, scientifique britannique dont l’ouvrage La terre est un être vivant fut publié en 1980, parallèlement au livre Les Enfants du Verseau de M. Ferguson. Le thème de la quasi-sacralisation de la Terre-Mère était déjà présent chez Goethe ou Novalis. Pour Lovelock en revanche, dont la vision du monde rejoint celle projetée par l’univers configuré par Roland Wagner dans sa nouvelle, le thème de la préservation vient doubler le panthéisme des romantiques allemands: la planète terre est un organisme vivant dont l’interconnexion des parties, évidente en tant que telle, force la conscience humaine à muer en conscience écologique1. L’enfant de la nouvelle qui s’en est allé rejoindre les dauphins au large d’Ouessant, qui entre en symbiose avec le règne des cétacés, qui fait office d’interface entre ce règne et celui de l’homme pour communiquer un solennel message de mise en garde contre la destruction des biotopes et la déperdition des équilibres environnementaux et plus particulièrement, contre «le véritable empoisonnement de certaines mers» (Wagner, 1998: 1235). Cet enfant actualise symboliquement l’accession à une forme symbiotique d’unité ingénument prônée par les partisans du Verseau et autres 1. Dans son ouvrage, il regroupe ses hypothèses quasi animistes sous le titre générique d’ « hypothèse Gaïa (terre mère) ». adeptes du MDPH (Mouvement de Développement du Potentiel Humain).2 2. b. Channeling et imaginaire du lien Par la mise en scène de l’interdépendance d’entités organiques supérieurs telles que l’homme et le dauphin, la nouvelle de Wagner prend donc le chemin de la fable mystique. Elle laisse ressurgir d’anciennes conceptions animistes, celle chère à Kepler d’une «âme du monde» par exemple, ou bien celles de Giordano Bruno et de Tommaso Campanella qui, comme le note Chelbourg, s’appuyant sur des visions issues de la tradition stoïcienne, «(…) présentaient l’univers comme un gigantesque animal dans lequel les autres êtres vivants, et notamment la terre, étaient comme emboîtés.» (Chelbourg, 2012: 28). Le lien fictionnel dont il est question dans le «Fragment…», la voix sublimée de l’enfant l’exprime dans les termes de la «complémentarité» et de la «cohésion»: «Nous ne faisons qu’un. Nous sommes le biote. Le Tout plus grand que la somme de ses parties, où chacun joue un rôle, de l’humble bactérie à la pensive baleine» (Wagner, 1998: 1234). La vision mystique précité qui est également celle du tantrisme moniste pour lequel «tout est Un», est ici réinvestie par le discours scientiste où viennent se mêler les résurgences New Age du vitalisme (perçu sur un mode ludique par les enfants en bas âge, et parfois désiré par les adultes): «Peut-être est-ce cette vague mémoire de son histoire génétique qui a permis à la Vie de se montrer si efficace» 2. Voir sur ce sujet la liste exhaustive des différents mouvements prétendument d’ « éveil spirituel » dans l’ouvrage de Jean Vernette cité dans la bibliographie. Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/11 (Wagner, 1998: 1234) nous est-il dit du miracle de l’existence, sur un mode pour le moins anthropomorphique et des créatures enfin, il nous est dit que «(…) toutes [celles] composant le biote sont nos soeurs» (Wagner, 1998: 1234) en rattachant cette nouvelle version de l’imaginaire du lien au registre religieux. A propos du lien toujours, et de la déclinaison thématique qu’il autorise, il faut noter qu’elle mise sur une autre entrée (et non des moindres) de la nébuleuse New Age, le Channeling ou le principe de communication des êtres par-delà les dimensions1. Ici encore le syncrétisme prime et englobe, derrière l’idée d’un type transcendantal de communication, des références à la gnose des lointaines limites de la Méditerranée et du Moyen-Orient, et d’autres références tirées du vocabulaire de la moderne Société Théosophique2. La gnose ou «connaissance» oeuvra en son temps pour la mise en valeur de la part de réalité invisible contenue, inégalement, dans les trois systèmes platoniciens, pythagoriciens et stoïcien. Elle «(…) visait à permettre à l’âme humaine émanée des mondes supérieurs, d’en retrouver le chemin et de les rejoindre en réintégrant son appartenance au ‘plérôme’ [la plénitude] éternel» (Vernette, 1993: 25). La Société de Théosophie de son côté, a contribué à mythifier cette même réalité inaccessible au profane en imaginant la catégorie pour nous 1. Pour une vue exhaustive du Channeling, voir l’ouvrage de référence de Wouter Hanegraaf, New Age Religion and Western Culture, State University of New York Press, 1998. 2. Association fondée en 1875 par Helena Petrovna Blavatsky pour promouvoir et diffuser la doctrine théosophique néo spiritualiste inspirée par cette dernière. merveilleuse des «Ascended Masters» qui comprend «(…) des êtres humains qui, libérés du cycle des réincarnations, continuent cependant par compassion à s’intéresser à la vie historique des hommes et des femmes (…)» (Introvigne, 2005: 14) à maintenir avec ceux-ci un lien spirituel (ô miracle de la magie!) par transmission de pensées3. Le Channeling actualise ces originelles versions de la télépathie transindividuelle réservée aux initiés d’un ésotérisme antique et élitiste par un procès de désenchantement (relatif), en rendant la communication spirituelle accessible à tous moyennant la pratique de techniques d’«élargissement de l’âme». Dans cette optique, et «(…) à mesure que la conscience individuelle devient plus consciente d’ellemême, nous est-il dit, elle se découvre comme simple parcelle de la Conscience cosmique» (Vernette, 1993: 13) et les parties peuvent ainsi communiquer entre elles et avec le grand Tout4. Quand à notre fable marine, s’il est vrai qu’elle participe de la mystique explicitement formulée de la correspondance des choses, sa parenté directe avec le registre New Age reste à prouver. De sérieux liens d’homologie apparaissent néanmoins, qui permettent d’associer le récit de la transsubstantiation merveilleuse d’un homme à l’univers aquatique des cétacés supérieurs. «Mon peuple sait depuis longtemps comment employer les courants transversaux qui franchissent les univers» 3. L’Inde bien évidemment connaît ce type de divinités, des « Maîtres de lumière », aptes selon certaines croyances populaires à entrer en comm:::union::: télépathique avec leurs ouailles. 4.« Dans le meilleur des mondes possibles » serionsnous tenté de dire ironiquement à propos de ce spiritualisme pour le moins arbitraire. 12/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 affirme l’enfant-dauphin (Wagner, 1998: 1235) qui clame par ailleurs péremptoirement : « Nous régulons l’harmonie psychique de ce monde » (Wagner, 1998: 1234) mais aussi: «Nous étions le moteur de ce monde. Son esprit de création, son inventivité» (Wagner, 1998: 1235). Cette phrase enfin, qui tombe comme une sentence à rebours: «(…) vous avez détruit notre biotope» (Wagner, 1998: 1235) et qui associe définitivement le récit à la mystique écologique de la nébuleuse du Verseau. Autant d’assertions qui orientent (à son corps défendant?) la fiction de Wagner à l’intérieur de la sphère d’influence du New Age en la parant des attributs récréatifs de la science-fiction. 3. L’«Esprit dauphin»: ouverture thématique Que le New Age soit susceptible de donner du grain à moudre au moulin de la sciencefiction, c’est un fait que le récit de Wagner illustre à sa façon. Il serait cependant réducteur de limiter la compréhension du texte à une interprétation de type idéologique quand on constate à quelle autre source de l’imaginaire populaire mais aussi scientifique, le bestiaire (il est vrai limité) de la nouvelle peut aisément être associé. Une figure pour le moins annexe renvoie plaisamment l’imaginaire de l’enfantpoisson du «Fragment…» aux planches et aux bulles du 9ème art, en format de poche et en noir et blanc. En octobre 1978 paraissait en effet aux éditions Mon Journal, la bandedessinée Antarès (du nom de son personnage principal) de Juan Escandell. La BD en question est une chronique de la vie aventureuse d’Antarès, un jeune garçon amphibie aux origines extraterrestre incertaines qui hante les océans du globe en compagnie d’un fidèle et loquasse dauphin Tursiops. Réservé à un lectorat de jeunes, le récit d’Antarès est en tout point sommaire (c’est la règle du genre). La BD permet néanmoins d’actualiser l’immémoriale figure de l’homme-poisson, idéalement incarné par le mythologique Poséidon et les multiples déclinaisons du mythe de l’Atlantide et de ses habitants. Par le biais de l’homme-poisson se voit ici réalisé l’infantile phantasme de la communication homme / animal (auquel ne seront pas les derniers à souscrire les actuels passionnés de la gente canine toutes tranches d’âge comprises (sic)). Le cas n’est pas rare dans la science-fiction dont l’une des caractéristiques (et non des moindres) est d’accueillir dans ses pages les craintes et les angoisses les plus primitives et les plus instinctives de l’homme. L’animal y tient souvent une place de choix, dans sa version anthropomorphe ou franchement antianthropomorphe (de par son étrangeté) 1. «La science-fiction est plutôt un des derniers refuges où l’imaginaire se donne des monstres à haïr et à détruire, où l’animal à encore sa fonction de repoussoir d’humanité (…)» note Alexandre Hougron dans des pages consacrées, entre autres et dans une optique psycho-sociologique, au statut de l’animal dans la SF (Hougron, 2000: 44). Il s’agit de la part d’animalité inscrite en l’homme, honni et traquée aux moyen-âge déjà par la société et les gardiens de sa 1. Les exemples ne manquent pas de romans qui misent sur l’aversion ressentie au contact des bêtes ou de leurs ersatz fictionnels. L’île du Docteur Moreau et Les Premiers Hommes dans la lune de H. G. Wells en constituent deux exemples canoniques. Ressorts écofictionnels de la nouvelle…/13 morale, et dont il resterait encore, dans la SF, «(…) quelque chose du côté de l’exutoire ou du fixateur d’un incompréhensible résidu (d’animalité, précisément) et ce malgré toute la civilisation et la technologie accumulée» (Hougron, 2000: 44). Il est d’ailleurs significatif que le chaos consubstantiel au monde était anciennement représenté par un animal d’origine aquatique. Seulement, modernité et conscience écologique obligent, une autre vision de la bête est venue supplanter la charge négative de l’image véhiculée par l’animal. Et c’est donc à un juste retournement des choses que nous convie Wagner dans sa nouvelle en réinvestissant l’eau et sa faune de vertus bénéfiques, positives comme celle évoquée par le symbole du porteur d’eau étancheur de soif de l’ancien Zodiac. Les dauphins «(…) avaient autrefois symbolisés la migration des âmes» (Wagner, 1998: 1237). comme le découvre Belkacem dans ses lectures, en attendant de rallier les profondeurs de la mer à dos de dauphin, «(…) dans cette autre univers où l’océan était propre» (Wagner, 1998: 1238). L’écofiction moderne suit le sillon freudien de la déculpabilisation vis-à-vis des instincts primaires et de leurs récipiendaires symboliques, les bêtes. Elle illustre, comme le fait en général toute fiction soucieuse de puiser dans les différents discours épistémiques de quoi nourrir sa propre matière et sa propre évolution. Les correspondances ne manquent pas, réelles et symboliques entre l’ordre de la création et celui des sciences, historiques, humaines ou positives. A ce titre, un dernier lien mériterait d’être établit, entre notre nouvelle et l’ouverture d’une certaine perspective de recherche rendue officielle lors d’une assemblée scientifique des plus sérieuses, la huitième International Daulphin and Whale Conference qui s’est tenue à Paris en novembre 1999. Les débats, organisés par Communicare, une association installée en Australie, s’était fixée pour objectif «(…) de rassembler des spécialistes de différentes disciplines afin qu’ils puissent, ensemble résoudre l’énigme des messages qu’adressent les dauphins et les baleines aux humains» (Servais, 2000). Et l’on ne peut s’empêcher d’inscrire avec amusement la perspective adoptée par les naturalistes à ce moment présents à Paris, dans la continuité du texte de Wagner, car pour nombre d’entre eux, tous en quête de l’«Esprit dauphin», celui-ci «(…) représente un état d’animalité qui, exceptionnellement, n’est pas synonyme de régression mais de progression: il est l’étape suivante de l’évolution humaine» (Servais, 2000) celle qui fera de l’homme, à l’image du dauphin, un être «plus pacifique», «plus sage», «plus fraternel», et finalement, «plus humain». Conclusion Le «Fragment du livre de la mer» est une courte nouvelle, un épiphénomène écofictionnel qui peut difficilement tenir la distance face à des monuments du genre tels que le Troupeau aveugle de John Bruner (1972), Le Monde vert de Brian Aldiss (1962) ou Le Monde englouti de James G. Ballard (1962). Tous ces romans font de la veine environnementaliste un domaine thématiquement bigarré et prospectivement porteur, parfois fantaisiste à l’extrême comme l’exemplaire planète verte d’Aldiss 14/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 et sa végétation débordante. Les auteurs de cette tendance semblent se soucier de l’avenir économique et environnemental projeté par les futurologues des soucis il est vrai, autrement dramatique en comparaison aux préoccupations de chapelle et d’avantgarde littéraire. Il est également vrai que le Main Stream littéraire n’a pas tardé à s’y frotter, à cette fiction écologique, à travers des ouvrages tels que le collectif Les mondes d’après, nouvelles d’anticipation écologique publié par les Editions Golias, et qu’on peut difficilement associer à l’imaginaire sciencefictionnel. «Fragment du livre de la mer» est cependant emblématique de cette tendance, en ce qu’elle articule et traite, en sa qualité de texte fictionnel et sur le mode merveilleux, une multitude de thèmes profondément enracinés dans l’imaginaire contemporain du déclin technoenvironnemental auxquelles la littérature générale gagnerait (pragmatisme oblige) à s’intéresser de plus près. Bibliographie Chelebourg, C. (2012). Les Ecofictions. Mythologies de la fin du monde. Clamay: Les Impressions Nouvelles. Didier, B. (1996). Introduction. in La nouvelle: stratégie de la fin, Boccace, Cervantès, Marguerite de Navarre, Cahiers de Littérature Générale et Comparée, Paris: SEDES. Durant, G. (1983). Les structures anthropologiques de l’imaginaire. Paris: Bordas, (1ère édition, Paris: Bardas 1969). Ganglof, J-L. & Helfrich, V. (2010). Le catastrophisme dans la SF: quelques exemples de mise en récit de l’argument de la pente fatale. in La science-fiction entre Cassandre et Prométhée, sous la direction de Françoise Willmann, Presses Universitaires de Nancy. Godenne, R. (1995). La nouvelle. Paris: Honoré Champion Editeur. Hougron, J. (2000). Science-fiction et société. Paris: Presses Universitaires de France. Introvigne, M. (2005). Le New Age des origines à nos jours: courants, mouvements, personnalités. (traduit de l’italien par Philippe Baillet). Paris: Editions Devry. Lovelock, J. (1980). La terre est un être vivant. Monaco: Editions du Rocher. Servais, V. (2000). Construire l’esprit du dauphin. Terrain, 34 – Les animaux pensent-ils ? Mis en ligne le 09 mars 2007. URL : http://terrain.revues.org/963. Vernette, J. (1993). Le New Age, (2ème édition). Paris: Presses Universitaires de France. Vernier, J. (2011). L’environnement. Paris: Presses Universitaires de France. Viel, D. (2006). Ecologie de l’apocalypse. Paris: Ellipses. Wagner, R. (1998). Fragment du livre de la mer. in Nouvelles des siècles futurs (2004), textes réunis par Jacques Goimard & Denis Guiot. Paris: Omnibus. La négation en tant que processus de la signification: le cas des discours littéraires Kariminejad, Somayeh Doctorante en didactique du FLE, Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran [email protected] Shairi, Hamid Reza Maître de conférence, Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran [email protected] Safa, Parivash Maître assisante, Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran [email protected] Nabavi, Lotfollah Maître assisant, Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran [email protected] Reçu:5.2.2013 Accepté: 21.5.2013 Résumé Depuis longtemps la négation était le sujet d’étude de différents domaines, surtout en philosophie, en logique et certainement en linguistique. La sémiotique, en tant que réflexion générale sur les systèmes de signes et de significations et en tant que science, associe la négation à la signification et si une quelconque positivité émerge d’un processus des significations, c’est que l’élan initial a eu lieu grâce à une négation génératrice. En général les approches et les typologies de la négation sont nombreuses. Cette pluralité s'explique par la complexité et la diversité des négations. Dans notre recherche, on essaie de montrer que faire du discours, n’est qu’une émergence de la relativité. En effet, du point de vue sémiotique, la négativité devient inhérente aux modalités du processus de signification d’une part c’est à partir de la commination négative sur le fond amorphe du sens, et d’autre part par la commination négative sur la première différence qui fait apparaître la signification. Alors Cet article tente d'examiner la notion de la négation ainsi que son rôle dans l'analyse du processus de la signification à travers les discours littéraires français et persan. Et aussi on voudrait savoir comment le discours est modelé par la négation ? Autrement dit, l'objectif de cet article est de décrire les modes du fonctionnement de la négation dans le discours littéraire français et persan. Mots clés: négation, différence, discours littéraire, signification, sémiotique Introduction La conception de la négation est une réalité indéniable dans toutes les langues vivantes. La négation nous met en présence d'un terme abstrait qui a des racines dans la philosophie, la logique et la sémiotique et qui n'est pas facile à définir. Du point de vue sémiotique, cette notion fait référence à une opération par laquelle est nié soit un terme soit un actant, et grâce à laquelle la différence entre deux unités sémantiques ou la disjonction entre le sujet et l’objet de valeur est établie. Selon la sémiotique, la négation est inhérente aux modalités du processus de signification. En effet la négation participe à la production de laignification de plusieurs manières : soit à partir de la prise en considération de la structure différentielle et de la relation oppositionnelle soit en se fondant sur la structure tensive. La négation fonctionne en fait comme une procédure dynamique qui réorganise notre compréhension du monde et des choses. Etant donné que la négation occupe une place primordiale au sein du langage, dans cet article nous aborderons les modes de son fonctionnement dans le 16/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 discours littéraire à partir d'un corpus extrait de la littérature française (les poèmes de Jaques Prévert) et persane (les poèmes de Sohrab Sepehri et de Mawlana ainsi qu’une pièce de théâtre de Radi). Cela dit, après avoir fait une brève récapitulation historique de la notion de négation, nous tenterons de répondre aux questions suivantes: En quoi la négation fonctionne comme un moteur de sens dans les discours littéraires? Quels rapports y a-til entre la négation et l’acte de l’énonciation littéraire? Comment le discours est-il modelé par la négation? Quelle place est donnée à la négation de la part de différents sémioticiens? Historicité sur les origines sémiotiques de la négation Négation vient du latin «negatio», action de nier. Selon le dictionnaire latin-français «Action, attitude qui va à l’encontre d’une chose, qui n’en tient aucun compte». En effet, si nous adoptons le point de vue sémiotique, selon Zepeda et Moreno (2011: 2): «la négativité qui provient de ce qui est négatif ou qui y conduit, devient inhérente aux modalités du processus de signification, du fait qu’il possède ou produit du sens et partage, avec la positivité et dans des conditions égales, sa place dans la structure». Du point de vue philosophique et logique, la négation a été proposée par Platon, Aristote, Hegel, et Marx. A cet égard, on pourrait mentionner la théorie du syllogisme d'Aristote (2005: 97), qui a été présentée pour la première fois dans le livre Organon, (1994: 61) qui repose sur une théorie de l'assertion. Selon cette théorie, chaque proposition assertorique est soit une affirmation soit une négation. Une affirmation est une proposition dans laquelle un prédicat est affirmé d'un sujet, comme dans «Socrate est juste» ou «Socrate court». Une négation est une proposition dans laquelle un prédicat est nié d'un sujet, comme dans «Socrate n'est pas juste» ou «Socrate ne court pas». Selon Aristote, les négations ont la même structure que les affirmations: toutes deux sont simples. A noter aussi qu'Aristote utilise normalement l’«affirmatif» et le «négatif» pour distinguer les affirmations des négations mais il lui arrive aussi d'utiliser synonymie le «positif» à la place de l’«affirmatif» et le «privatif» à la place du négatif. On peut présenter les idées d'Aristote sous forme d'un digramme qui nous donne le fameux carré d’opposition: Dans cette étape sera abordé le point de vue de Hegel (1991: 68-81) sur le terme «négation», à ce propos il faut dire qu’il développe un système philosophique en fondant toute sa pensée: la dialectique. Cette dialectique hégélienne désigne l’accès à la vérité et à l’idéalisme absolu via des idées contradictoires. C’est de la confrontation des contraires et de leur dépassement dans la synthèse des deux que la pensée se construit pour le philosophe. Ainsi, la négation n’est jamais pensée comme un échec chez Hegel, mais plutôt comme une étape nécessaire et constructive La négation en tant que processus de la signification …/17 vers la vérité. L'essentiel du parcours dialectique hégélien va de l’affirmation à la négation et de la négation à la négation de la négation (on dit parfois: thèse, antithèse, synthèse1). Le devenir s'opère en fait par les dépassements successifs des contradictions. Dépasser, ici, c'est de nier mais en conservant, sans anéantir. Par exemple, la fleur nie le bouton mais en même temps le conserve puisqu'elle en est le prolongement. De même le fruit nie la fleur tout en la conservant. Chaque terme nié est intégré. Les termes opposés ne sont pas isolés mais en échange permanent l'un avec l'autre. La contradiction joue donc un rôle essentiel. Toute réalité est un jeu de contradiction : mort et vie, être et néant etc. en bref le négatif est créateur. La dialectique prend toute sa signification avec Marx et Engels. Selon Engels : «La dialectique considère les choses et les concepts dans leur enchaînement, leur relation mutuelle, leur action réciproque et la modification qui en résulte, leur naissance, leur développement et leur déclin » (1950: 392). Ce sont en effet eux qui feront de la dialectique une théorie générale des développements, en accord avec les acquisitions théoriques des sciences. Pour Marx il faut partir de la dialectique de Hegel : qu’est-ce donc que la dialectique pour Marx: « C’est la science des lois générales du mouvement et du développement de la nature, de la société et de la pensée » (1998: 4). Cette science consiste en trois principes généraux: 1) la loi de l’unité des contraires et de leur lutte: toute chose a deux aspects opposés, un pôle négatif et un pôle positif en quelque sorte, amenant le développement et le mouvement de la chose en question 2) la loi de l’unité 1 ‐ces trois termes ont été empruntés du site : sos.philosophie.free.fr de l’évolution et de la révolution, du quantitatif et du qualitatif: le développement ne se fait pas sur le plan quantitatif, il progresse par bonds révolutionnaires 3) la loi de la négation de la négation: la négation n’est pas simple destruction de l’ancien, mais dépassement de celui-ci on conserve de l’ancien ce qui est valable: la négation est dialectique. De fait Staline résume cette idée de la manière suivante : «Contrairement à la métaphysique, la dialectique part du point de vue que les objets et les phénomènes de la nature impliquent des contradictions internes, car ils ont tous un côté négatif et un côté positif, un passé et un avenir, tous ont des éléments qui disparaissent ou qui se développent la lutte de ces contraires, la lutte entre l'ancien et le nouveau, entre ce qui meurt et ce qui naît entre ce qui dépérit et ce qui se développe, est le contenu interne du processus de développement» (2003:7). En linguistique, la négation est le plus souvent exprimée par un élément invariable, simple ou composé, que les grammairiens traitent en général comme une particule, ou, plus rarement, comme un adverbe (dans la tradition française par exemple). On ne discutera pas pour l'instant ce problème de terminologie, mais on peut faire cependant remarquer que la «particule» n'a jamais reçu une définition satisfaisante en linguistique, pas plus d'ailleurs que ľ«adverbe». Mais on trouve aussi d'autres possibilités: des auxiliaires de négation qui portent tout ou partie des renseignements habituellement véhiculés par le verbe simple, et des paradigmes verbaux particuliers où la négation est amalgamée à d'autres marquants. Les points de vue des philosophes du langage et des logiciens sur la négation ont profondément marqué les théories linguistiques modernes concernant ce phénomène complexe. Dans les recherches 18/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 récentes, on distingue couramment la négation descriptive de la négation polémique. Cette distinction, classique depuis Ducrot (1973: 123-131), nous permet de dire que si la négation descriptive, propre à la phrase, «est l'affirmation d'un contenu négatif, sans référence à une affirmation antithétique» (1973: 124) la négation polémique, par contre, «est un acte de négation, la réfutation d'un contenu positif exprimé antérieurement par un énonciateur différent du locuteur ou l'instance énonciative qui produit cet acte.» (1973: 123). La négation polémique est une stratégie argumentative, basée sur la contestation d'un énoncé antérieur. Sa valeur polyphonique est incontestable elle fait intervenir deux instances énonciatives: l'énonciateur de l'affirmation antérieure et le locuteur de l'énoncé qui rejette celle-ci. La négation polémique a ainsi un caractère dialogique, réfutatif, réplicatif, polyphonique. Pourtant après avoir montré une brève présentation de négation dans les différents domaines on pourrait dire que parler du négatif n'est pas une tâche simple pour preuve de ce constat, on peut se référer à l’inventaire que Denis Bertrand (2011: 2) a fait des horizons théoriques: «le sens ontologique du négatif d’abord (qui s’exprime dans le rien, dans le non être), le sens dialectique (triomphant avec Hegel, où le négatif médiatise le passage d’un argument à un autre), le sens axiologique (prégnant dans le champ éthique, comme l’atteste le «négationnisme» par exemple, mais aussi dans le champ esthétique, avec la laideur ou la figure du «poète maudit», (…), le sens linguistique (où les termes de la négation définissent un type de proposition, un «ne pas» différent du sens logique), le sens narratif (la négation narrativisée dans le manque et dans le conflit, ou encore envisagée d’un point de vue pragmatique et adversatif), le sens passionnel (celui du rejet, de la répulsion, du dégoût ou de l’aversion». Il faudrait savoir cependant que cet inventaire n'épuise pas le concept de la négation qui s'approprie une place très importante dans le langage. Et on peut dire le négatif, c’est la moitié du langage, bref, immense domaine, immense chantier. La différence, l'opposition entre les termes La différence surgit au moins par la mise en relation de deux termes et c’est justement grâce à cette relation que chacun d’eux acquiert de la valeur. Au niveau de la relation d’opposition qui émerge entre les valeurs, l’une d’elles a un contenu délimité, elle s’affirme et domine l’autre, elle s’intègre aux autres valeurs en présence en établissant un système et en générant de ce fait une positivité, c’est-à-dire une existence pleine. Selon Zepeda et Moreno (2011: 9): «Le terme positif est celui qui se réalise, en effet sa présence dans la relation s’intensifie, tandis que le terme négatif est déplacé vers le "fond" ou "l’horizon", potentialise, et en" attente" d’une nouvelle mise en relation, absente mais tout en étant d’une certaine manière présente par l’intermédiaire de la relation qui a eu lieu, et, par conséquent, présente dans le processus». Le terme positif serait, selon les propres mots de Jacques Fontanille (1995: 1-25): «une présentification de la présence, une plénitude» le terme négatif, quant à lui, «serait une présentification de l’absence». Nous pouvons dire, en utilisant le métalangage propre à la sémiotique tensive proposée par Jacques Fontanille et Claude Zilberberg (1998), que le terme positif s’instaure de cette manière par la tonicité qu’il acquiert. Et le terme négatif, quant à lui, resterait atone. La présence ou l’absence, la partie tonique ou atone des éléments en relation d’opposition nous permettent de commencer à voir la dimension tensive entre le positif et le La négation en tant que processus de la signification …/19 négatif, de même que sa densité et ses différentes modulations. گریه بدم خنده شدم مرده بدم زنده شدم J’étais tout pleur je suis devenu tout joie, J’étais tout mort je suis devenu tout vivant 2008 )دولت عشق آمد و من دولت پاینده شدم : 804) Le royaume de l'amour arriva et je suis devenu le bonheur éternel (traduit par les auteurs) Dans ce verset de Mawlana, on constate la différence entre les termes «le rire» et «le pleur» et ainsi de suite entre «la mort» et «la vie». Il paraît qu'un système est ici organisé sur l'opposition entre des termes «la mort» et «la vie» et «le rire» et «le pleur» Selon Louis Hjelmslev, cette opposition laissera la place à l'opposition entre le terme «intensif» et le terme «extensif»: «la case qui est choisie comme intensive a une tendance à concentrer la signification sur les autres cases de façon à envahir l'ensemble du domaine sémantique occupé par la zone.» (1972: 112-113). Les termes négatifs c'est-à-dire «le pleur» et «la mort» sont déplacé vers le «fond» potentialisé, et en «attente» d'une nouvelle mise en relation et à l'inverse, les termes «le rire» et «la vie» obtiennent la tonicité et apparaissent comme les termes positifs. La négation du point de vue de Greimas Les propos de Greimas au sujet de la négation ont été publiés dans Sémiotique en jeu (1991), sous le titre «Algirdas Julien Greimas mis à la question». Bertrand cite quelques extraits de ces propos (pp. 313- 314) : Quel serait l’acte de jugement premier qui serait un geste fondateur de l’apparition du sens? «(…) La perception, c’est être placé devant un monde bariolé. Quand l’enfant ouvre les yeux devant le monde pendant les deux premières semaines de sa vie, il perçoit un mélange de couleurs et de formes indéterminées: c’est sous cette forme que le monde se présente devant lui. C’est là qu’apparaît ce que j’appelle le sens négatif, c’est-àdire les ombres de ressemblances et de différences, les plaques ou les taches qui affirment une sorte de différence …» (2010: 3). Le sens négatif est donc envisagé ici au foyer même de la signification perceptive. Un exemple littéraire emprunté chez J. Prévert peut nous aider à éclaircir ces ombres de ressemblance et de différence issue de la perception de l’énonciateur: Trois allumettes une à une allumées dans la nuit La première pour voir ton visage tout entier La seconde pour voir tes yeux La dernière pour voir ta bouche Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela En te serrant dans mes bras (2004: 15). Comme nous pouvons en être témoin, le poète utilise trois fois le terme allumette. Au niveau de l'essence il y a certainement des ressemblances entre ces termes. Tous les trois sont tout simplement des allumettes, mais on voit qu'à chaque fois qu'on allume une allumette on profite de sa lumière de manière appropriée et différente. Ainsi, la première allumette est celle qui permet de voir le visage entier voir «tout entier» est déjà la négation de voir à moitié ou à demi. Tandis que la deuxième est celle qui nous conduit à voir les yeux. Or, voir les yeux c’est déjà une manière de nier le reste du visage. (Voir les yeux/ ne pas voir le reste du visage). Et enfin le troisième nous fait accéder à la perception visuelle de la bouche. Ce qui signifie que la perception visuelle de la bouche est une façon de nier celle des yeux (voir la bouche/ ne pas voir les yeux). Ou bien même si le sujet a encore une vision des yeux ce n’est qu’à partir d’une certaine ombre qui fait la différence avec un acte de voir complet. Nous constatons que les trois allumettes décrites 20/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 par Prévert sont d'une part à la source d’une ressemblance puisqu'elles favorisent toutes les trois l'acte de voir, et de l'autre à la source d'une différence en ce qui concerne la cible visuelle distincte. En effet les lumières tirées des allumettes nous permettent de nous rendre compte à la fois des ressemblances et des différences. Et dans la suite du discours, l’obscurité toute entière vient s’opposer à la lumière. Ce qui transforme le «voir» en «rappel». Cependant, au plus profond de cette opposition réside une ressemblance qui se justifie par le fait que le sujet se rappelle de tout ce qu’il a vu. Il est étonnant de constater que l’obscurité constitue d’une part une source d’opposition avec la lumière et devient de l’autre une source de ressemblance avec elle. En effet, l'obscurité est le contraire de la lumière mais en même temps, elle est le moyen de «se rappeler» de tout ce qui doit sa présence à la lumière. On peut constater aussi les idées de Greimas dans l'exemple suivant tiré du discours poétique de Sohrab Sepehri. Quelquefois le fait de sélectionner ou de préférer un élément parmi tous les autres possibles correspond à l’acte de la négation. On peut prendre pour exemple ce vers de Sepehri: و در آن عشق به اندازه ی پرهای صداقت آبی است Où l'amour est tout aussi bleu que les plumages de la sincérité (2005:25). On voit que de toutes les couleurs que l’amour peut s’attribuer, il y en a une préférée par le poète: le bleu. Ce qui signifie que les autres couleurs sont exclues du champ lexical et donc niées par lui. Mais cet amour ressemble en même temps aux plumes de l’honnêteté qui sont aussi bleues. La négation est en fait intégrée au plus profond du texte poétique. La négation et le carré sémiotique Pour Greimas, le geste fondateur c’est la négation des termes différentiels. Selon Greimas cité par Bertrand: «L’acte du jugement, c’est la négation du négatif qui fait apparaître la positivité. Dans cette perspective, le concept de relation peut être compris comme un phénomène positif et non pas négatif» (2011: 3). C’est ainsi que Greimas pose alors la contradiction comme relation fondatrice dans le carré sémiotique. La contradiction ne doit pas être comprise comme une structure privative de type présence/absence, car «c’est la sommation du terme A1 qui fait apparaître le terme contradictoire non A1. (…) C’est l’absence faisant surgir la présence: non A1 est déjà le premier terme positif» (1991: 314). Le foyer du négatif, ce qu’est la contradiction, comprend donc le principe de la positivité. De plus, en surgissant, le terme contradictoire fait disparaître A1 et impose du même coup la discontinuité. On comprend alors que la relation de contradiction détermine un double phénomène fondateur du sens, celui de la positivité et celui du discontinu. Mais du même coup, Greimas introduit la complexité du négatif et son ambiguïté essentielle, au sein même de la relation élémentaire qui l’incarne. On peut illustrer ces théories de Greimas au sujet de la narrativité à partir d’un exemple tiré d’une pièce de théâtre intitulée Pelekan "Escalier" de Akbar Radi (1990). L'histoire y commence dans un café situé dans les forêts de Gilan. On nous dépeint une nuit pluvieuse où la métamorphose du protagoniste, nommé Bolbol, commence. Ce dernier est un homme pauvre, un archand ambulant, au début de l'histoire au La négation en tant que processus de la signification …/21 fur et à mesure il se transforme en personnage riche qui choisit une fausse identité pour lui-même « ingénieur Masoud Taj ». Dans cette pièce de théâtre, le sens n'est saisissable que dans le changement, établi après coup: il n'y a pas de sens «figé», affecté à une situation détachée de tout contexte, à un état unique, à un terme isolé le sens naît dans le passage d'une situation, la pauvreté, à une autre, la richesse, d'un état à un autre un homme rural plein de pureté et de naïveté devient après son immigration en ville un trompeur et imposteur. Ainsi il n'y a de sens que dans la différence entre les termes, et non dans les termes en eux-mêmes, et, comme, dans le discours, les termes d'une différence occupent chacun une position et le sens ne peut être saisi que dans le passage d'une position à l'autre, c'est-à-dire dans la transformation, qui peut alors être définie comme la version syntagmatique de la différence. Mais la transformation ne peut être reconnue qu'après-coup, une fois qu'on sait en quel terme second s'est transformé le terme premier, en quelle situation finale s'est transformée la situation initiale. C'est dire que ce qui est saisi dans l'analyse narrative, c'est une transformation accomplie, une signification déjà advenue et figée, et non une signification en acte, sous le contrôle d'une énonciation présente et vivante. 2. La négation du point de vue de la sémiotique tensive Le schéma tensif est constitué de deux axes vertical et horizontal. L'axe vertical est celui de l’intensité et l'axe horizontal intègre l'extensité. Dans la sémiotique tensive proposée et développée par Jacques Fontanille et Claude Zilberberg (1998), les notions de négation et de négativité sont mentionnées, soit comme point de départ, soit implicites dans certaines entrées de Tension et de signification. Avant d'élargir ces notions, nous tenterons de représenter les schémas tensifs. D’après la définition de Fontanille (1998: 100) ces schémas régulent l'interaction du sensible et de l'intelligible. On pourra définir l'ensemble des schémas discursifs comme des variations d'équilibre entre ces deux dimensions, variations conduisant soit à une augmentation de la tension affective, soit à une détente cognitive. L'augmentation de l'intensité apporte la tension l'augmentation de l'étendue apporte la détente. En général l'espace tensif comprend deux grands axes d'affectivité et d'intelligibilité. Quand l'affectivité est dominée par le négatif, la force de + _ _ Valeurs d’univers + (Extensité) Valeurs d’absolu (Intensité) 22/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 l'intelligibilité peut augmenter. L'inverse est aussi valable. A l'intérieur de ces axes, on peut voir apparaître quatre zones qui se décident à partir de ces jeux de négativité et de positivité. Zone de décadence, d'ascendance d'amplification et d'atténuation. L’abaissement de l'intensité et le déploiement de l'étendue donne lieu à la décadence alors que l'augmentation de l'intensité et la réduction de l'étendue procure une zone d’ascendance. Quant à l'amplification, on pourrait dire que l'augmentation simultanée de l'intensité et de l’extensité réalise une tension affectivo-cognitive or l’atténuation est juste l’inverse de l’amplification. Au sein de la proposition générale de cette sémiotique –consistant aux différentes relations tensives entre l’intensité et l’extension, avec ses corrélations sensibles et intelligibles selon Zepeda et Moreno (2011: 7) nous pouvons voir qu’au niveau des relations inverses (à plus grande extension correspond moindre intensité, et vice-versa), il y a une négation constante qui permet de délimiter un espace dans la zone de tension, laissant l’autre espace en «négatif», bien que présent dans la mémoire du processus. De cette manière, par exemple, si c’est l’extension qui avance, l’intensité est niée et devient négative. En effet, le processus est dominé par l’extension. Inversement, si l’intensité domine, l’extensité, quant à elle, est niée. Ce qui serait un exemple de positivité et de négativité relative: la positivité est positive grâce à sa dominance sur l’espace tensif. Dans ce cas, les relations peuvent être réversibles. A cet égard, nous pouvons rappeler que la négation dans le carré sémiotique est privative et qu'elle repose sur la chaîne jonctive «disjonction/conjonction» alors qu'au sujet de la tensivité, la négativité est relative et celle-ci dépend de la situation de la sensibilité et de l'intelligibilité dans la zone tensive. La présence de chacun engendre l'absence d'autrui. La négativité apparaît d'emblée sur l'axe de l'intelligibilité par un manque cognitif et dans ce cas-là on confrontera à une dominance des stimuli sensibles. On pourrait dire que dans la sémiotique tensive, le cas de la décadence et de l’ascendance, il y a un négatif de suspension et un négatif graduel et fluide. Pour ces deux schémas on essaie de présenter des exemples tirés de la littérature persane. Comme on voit dans ce discours on est confronté à la décadence de l'intensité «est morte, il n'y a aucun mouvement, a enduit, a effacé». D'une part tous ces éléments témoignent de l'amoindrissement des éléments affectifs cequi signifie que l'intensité est dominée par le négatif d'autre part le développement de l'étendue procure l'extension des éléments cognitifs du texte comme «longtemps». Le schéma correspondant à ce texte est comme suit: Schéma de la décadence Schéma de l'ascendance La négation en tant que processus de la signification …/23 Dans ce schéma d'après la théorie de Zepeda et Moreno l'intensité est niée et devient négative. En effet on pourrait voir cette négation dans les éléments émotionnels de ce discours tel que «mort, fadé, silence ténébreux, pas de lucarne» Le schéma suivant qui est l'opposé du schéma ci-dessus, nous conduit vers l'ascendance de l'intensité. Cette situation est ici confrontée à l'abaissement de l'extensité qui a pour résultat un schéma qui montre un axe de l'étendu dominé par le négatif. La vie n'est point vide (1980 : 348) زندگی خالی نیست Il y a aussi la tendresse, la pomme et la ferveur de la foi. مهربانی هست، سیب هست، ایمان هست. Et, oui! آری Il faut vivre tant que demeurent les coquelicots. تا شقایق هست، زندگی باید کرد La vie signifie: un sansonnet s'est envolé. زندگی یعنی: یک سار پرید. Pourquoi en es-tu si affecté? از چه دلتنگ شدی؟ Les plaisirs pourtant ne manquent pas: ce rayon de soleil دلخوشی ها کم نیست: مثلا این خورشید L'enfant de l'après-demain ، کودک پس فردا Le pigeon de la semaine à venir (2008 :37). کفتر آن هفته Dans ces exemples, l'extensité de la vie du point de vue de la quantité importe peu. La vie n'est pas vide du point de vue de tout ce qui constitue son contenu, c'est-à-dire du point de vue affectif et sur le plan de la qualité. Ainsi, «la vie n'est point vide» nous met en présence d'une négativité quantitative de la vie: peu importe si la vie n'a pas d'étendu physique ce qui compte c'est qu'elle a une plénitude au niveau de son contenu. Cet exemple montre bien que quelque fois la négation correspond à une positivité qu'il faudrait chercher sur un autre plan du discours, ici, le plan du contenu. Il faut donc comprendre «la vie n'est point vide» comme une négativité dynamique qui convoque immédiatement une positivité intense sur un autre plan, celui de l'affectivité. Ceci prouve à quel point la négation peut participer au processus dynamique de la signification, puisqu'elle fonctionne comme un renversement du sens ou même comme une invitation à la découverte de ce qui se passe derrière le signe apparent ou le sens apparu des discours. Tendresse, pomme, ferveur, soleil et pigeon renvoient tous au contenu de la vie et ils nient par leur présence son contenu vide. Longtemps Euphorie est morte La vie n’est pas vide Le contenu de la vie Pomme, tendresse + + _ _ 24/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Conclusion La négativité existe puisque la différence existe de même que des termes négatifs qui restent au fond du processus, en tant que résidus, mais potentialisés, sont en attente d'être convoqués. En d'autres termes, pour qu'un terme acquière à la fois plénitude et identité, il doit entrer en relation différentielle avec d'autres termes, et pour que la différence se produise, une opération de négation doit avoir lieu. Comme nous l'avons constaté, la négativité devient une figure qui se charge du contenu, et nous pourrions en quelque sorte dire qu’elle se charge de la positivité. En effet, la négativité se constitue comme un univers sémiotique complexe, vaste et relatif à la positivité-même, aux discours, aux praxis énonciatives et aux cultures qui finalement définissent ce qui est positif et ce qui est négatif. Pour conclure on peut dire que la négativité est réversible et relative aux discours et à leurs usagers. Et quant à la sémiotique tensive, on pourrait dire que la négation s'éloigne de la forme figée que représente le carré sémiotique et elle se soumet à quelques nouveaux aspects comme gradualité, fluidité et réversibilité. Bibliographie Aristote, (1994). Organon, tome 1-2- Catégories De l’interprétation. Paris: Vrin. Arrivé, M. & Coquet, J-C. (1987). Sémiotique en jeu: à partir et autour de l'oeuvre d'A J Greimas. Paris, Amsterdam : Hadès-Benjamins. Bertrand, D. (2011). Au nom de non. Perspectives discursives sur le négatif. Nouveaux actes sémiotiques, prépublication, Limoges. Ducrot, O. (1973). Qu'est-ce que le structuralisme. Paris, Seuil. 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Téhéran: Tahoori. Sepehri, S.(2005). Oasis d'émeraude. traduit par Daryush Shaygan. Téhéran: Hermes. Shafiee Kadkani, M.R. (2008). Ghazaliat Shamse Tabriz. Téhéran: Sokhan. Staline, J. (2003). Matérialisme dialectique et matérialisme historique. Paris: le Temps des Cerises. Zepeda, M.L.S. & Moreno, L.R. (2011). La négativité source de la signification?. Nouveaux actes sémiotiques. prépublication, Limoges. Décepteur des contes renardiens et déstructuration de la cellule familiale: fonctionnalité et significations Kouacou, Jacques Raymond Koffi Maître-assistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké, Côte d’Ivoire [email protected] Reçu: 21.1.2013 Accepté: 14.8.2013 Résumé La construction du décepteur renardien tient compte des différentes interactions du personnage avec les réalités de la société où il mène son existence. Au nombre de celles-ci se trouve la cellule familiale dont il est l’émanation et face à laquelle il doit définir les modalités actantielles. Dans la plupart des récits, Renart n’accorde aucune considération pour l’éthique familiale qui recommande que l’on respecte son ou sa conjoint (e) et la valeur inestimable des liens de parenté. Ses relations sont d’ordre conflictuel avec la famille, cette cellule de base de la société, que les actes du rusé tendent à déstabiliser. La présente étude se propose d’analyser le fonctionnement de cette confrontation entre le décepteur des contes de la France médiévale et la société dont la structure familiale en est une représentation en miniature, et l’intérêt du discours dénonciateur que les conteurs tiennent, à juste titre, sur le comportement de l’homme et sur la société. Mots-clés: Décepteur, contes renardiens, famille, parenté, déstabilisation, dénonciation. Introduction Ensemble de personnes vivant d’une façon organisée et structurée par des institutions et des conventions, la société est constituée par un ensemble de familles1. Même s’il existe des aspects universels dans la définition de la famille (procréation, prohibition de l’inceste, alliance, etc.), chaque société humaine en présente une image, en relation avec sa structure démographique, son organisation sociale ou religieuse, ses croyances. Au Moyen Age, époque d’émergence du Roman de Renart2, le modèle familial3 1 Groupes formés par des personnes apparentées ou étroitement unies par alliance ou par accord mutuel. 2 Le corpus renardien sur lequel porte la présente analyse s’étend sur la période médiévale française couvrant la fin du XIIe siècle à la fin du XIIIe siècle. 3 A l’instar de Didier Lett, des chercheurs, intéressés par l’organisation familiale au Moyen Age, ont entrepris des travaux visant à restituer à ce siècle ses lettres de noblesse dans la mise en place imposé sous le règne de Charlemagne et par le pouvoir de l’Eglise, après l’adoption de «la famille large» au très haut Moyen Age, est «la famille conjugale» ou «famille étroite». Au sujet de ce changement notable survenu dans l’histoire de la famille, cellule de base de toute société humaine, Thomas Ribémont, dans une étude sur l’ouvrage de Didier Lett intitulé Famille et parenté dans l’occident médiéval Ve-XVe siècle, écrit: d’une structure de base devant servir de modèle à l’émergence de la famille moderne. Ce sont respectivement : Georges Duby, Jacques Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, Ecole française de Rome, 1977. André Burguière, Christiane Klapisch-Zuber, Martine Segalen, Françoise Zonabend (dir.), Histoire de la famille, t. 1, Paris, Armand Colin (rééd. Livre de Poche/Références), 1986. 26/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 «On sait combien la famille constitue aujourd’hui un objet d’étude privilégié pour le chercheur en sciences sociales (...). A l’inverse de ce qui s’est produit dans d’autres disciplines (la sociologie et le droit notamment), les historiens ont pourtant relativement tardé à en faire l’analyse. Certes, il y a bien, dans les années 1960-1970, des travaux d’histoire portant sur le sujet – en particulier l’ouvrage de Philippe Ariès intitulé L’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime ou encore Naissance de la famille moderne, XVIIIe- XXe siècle d’Edward Shorter –, mais Didier Lett conteste la vision évolutionniste adoptée dans ses études qui considèrent «que la famille occidentale ‘moderne’ fondée sur un mariage monogame, sur une cellule étroite ou nucléaire, sur une résidence indépendante des nouveaux époux et sur une profonde affection entre mari et femme et entre parents et enfants était une invention récente qui se serait mise en place surtout à partir des XVIIe et XVIIIe siècles» (Ribémont, 2000: 5). Toutefois, ces recherches, à visée anthropologique, sociologique ou historique, n’ont pas permis de lever le voile sur l’appropriation du fonctionnement de cette structure familiale du Moyen Age par le monde de la littérature. Ainsi, la présente étude, tout en prenant appui sur les acquis ou les résultats des recherches menées par les sciences sociales, montrera comment la littérature médiévale4, par le phénomène de narrativation5, se fait l’écho de la longue marche de cette organisation familiale dans sa quête de la stabilité. Nous aborderons cette question en nous servant des récits contenus dans Le Roman 4 La littérature du Moyen Age est fondée sur l’oralité. Les aventures des héros chevaleresques (Chanson de geste ou roman courtois) ou héros décepteurs de la littérature animalière étaient, avant tout, racontées par les jongleurs. Le passage de l’oral à l’écrit s’est réalisé par le «phénomène de narrativation». 5 La narrativation renvoie à la théorie de la narativité. C’est le fait de mettre sous forme de narration (forme littéraire) un récit ou une histoire, de transformer en forme narrative, de donner à un récit la forme de la narration. de Renart6, recueil de contes de la France médiévale, avec, pour indices, la représentation du décepteur et la conflictualité en actes de ses rapports dans le réseau relationnel familial de l’oeuvre. D’où les raisons du choix du sujet suivant: Décepteur des contes renardiens et déstructuration de la cellule familiale: fonctionnalité et significations. Quelle structure familiale Le Roman de Renart présente-il? Quel rôle les conteurs attribuent-ils au héros renardien dans sa cellule familiale? Comment ce décepteur des contes renardiens considère-t-il la vie en famille et quels rapports entretient-il avec les membres des autres familles représentées dans le corpus? En quoi ces rapports visent-ils à déstructurer ces cellules familiales? Quelles sont les enjeux d’une telle représentation? L’analyse proposée se situe dans une double perspective sémiotique et sociocritique et permettra de montrer que bien que sujette à des attaques visant à le déstabiliser, la cellule familiale doit demeurer le fondement de l’équilibre social. I. Contes renardiens et représentation de la structure familiale médiévale Couvrant la période allant de la fin du XIIe siècle à la fin du XIIIe siècle, Le Roman de Renart laisse découvrir une structure familiale qui, bien que fondée sur l’imaginaire des conteurs, est identique à celle que l’on retrouve dans la société 6 Les indices textuels illustratifs de nos propos pourront se découvrir dans la version du Roman de Renart selon Jean Dufournet et Andrée Méline en deux volumes publiée à Paris, en 1985 aux éditions Flammarion. Cette version contient 26 contes dénommés ‘‘branches’’ (par leurs auteurs) dont 6 pour le premier volume (de la branche I à la branche VI) et 20 pour le second (de la branche VII à la branche XXVI). Décepteur des contes renardiens et déstructuration …/27 réelle du Moyen Age. Il s’agit de ce que Émile Durkheim (1858-1917), sociologue français et co-fondateur de la sociologie moderne, appelle la famille conjugale7 dont les conditions d’émergence sont rappelées par Henri Bresc en ces termes: «Dans le récent ouvrage de Suzanne Wemple consacré à l’évolution de la situation féminine dans la société franque (1981), l’idée d’un passage de la «famille large» à la «famille étroite» entre l’époque mérovingienne et l’époque carolingienne est acceptée sans discussion. Avant le IXe siècle, pense l’auteur, existeraient des groupes de parenté, presque des «clans familiaux», dont les femmes «transmettent l’idéologie» (p. 190) et servent l’ascension par les alliances matrimoniales dans lesquelles elles sont engagées (…). L’Eglise et le pouvoir carolingien imposent une stricte monogamie, élément important du resserrement familial et de la promotion de la «famille conjugale». La situation de la femme s’en trouve modifiée dans la mesure où une seule épouse produit désormais les enfants qui pouvaient naître auparavant des :::union:::s concomitantes ou successives d’un homme avec plusieurs femmes légitimes ou concubines» (Bresc et al., 2005: 101). Cette famille est dite conjugale en ce sens qu’elle ne repose désormais que sur 7 Au sujet de la famille restreinte ou famille conjugale, Émile Durkheim fait la précision suivante: «J'appelle de ce nom la famille telle qu'elle s'est constituée chez les sociétés issues des sociétés germaniques, c'est-à-dire chez les peuples les plus civilisés de l'Europe moderne. Je vais en décrire les caractères les plus essentiels, tels qu'ils se sont dégagés d'une longue évolution pour se fixer dans notre Code civil. La famille conjugale résulte d'une contraction de la famille paternelle. Celle-ci comprenait le père, la mère, et toutes les générations issues d'eux, sauf les filles et leurs descendants. La famille conjugale ne comprend plus que le mari, la femme, les enfants mineurs et célibataires. Il y a en effet entre les membres du groupe ainsi constitué des rapports de parenté tout à fait caractéristiques, et qui n'existent qu'entre eux (…). Nous sommes donc en présence d'un type familial nouveau. Je propose de l'appeler la famille conjugale ». Émile Durkheim (1892), « La famille conjugale. » in Revue philosophique, 90, 1921, p. 4. deux personnes de sexes opposés unies entre elles par les liens sacrés du mariage8. Dans le corpus renardien, les relations établies entre certains personnages peuvent obéir aux critères de définition de ce type familial. Mais, nous n’en retiendrons que les plus représentatives dont le rôle actantiel est plus marqué dans l’économie du récit. Ce sont: la famille de Renart (le père), Hermeline (la mère) et de leurs trois enfants (Percehaie, Malebranche et Rovel), la famille royale composée de Noble (le roi), Fière (la reine) et de leurs enfants, la famille d’Isengrin (le père), d’Hersant (la mère) et de leurs enfants et la famille constituée par Chantecler (le père) et Pinte (la mère). Bien en place, ces familles sont représentées dans l’oeuvre comme des communautés profondes de vie, c’est-àdire des alliances matrimoniales, par laquelle Renart, Noble, Isengrin et Chantecler, d’une part, Hermeline, Fière, Hersant et Pinte, d’autre part, constituent respectivement entre eux une communauté de vie. Outre le mariage, un autre point commun à ces différentes familles est le lien de solidarité agissante entre les membres. A chaque composante de cette cellule familiale revient une tâche bien définie. C’est le cas, par exemple, du chef de famille à qui incombe la charge de garantir le pain quotidien à tous et à chacun. Les contes renardiens donnent une preuve patente de cette fonction paternelle 8 Le sociologue dira à ce sujet : « Plus la famille est organisée, plus le mariage a tendu à être la condition unique de la parenté (…). La famille va de plus en plus en se contractant en même temps les relations y prennent de plus en plus un caractère exclusivement personnel, par suite de l'effacement progressif du communisme domestique. Tandis que la famille perd du terrain, le mariage au contraire se fortifie » (Durkheim, 1829, pp. 13-14). 28/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 en laissant découvrir les nombreuses quêtes de nourriture menées par le décepteur et les trois autres responsables de famille. Toutefois, même si les récits renardiens proposent des schémas qui permettent la construction d’une vie familiale, celle-ci manque de stabilité. Comme l’épée de Damoclès, Renart constitue une menace pour l’harmonie et l’équilibre des différentes cellules familiales. II.Le décepteur renardien entre déstabilisation de la cellule familiale et banalisation des liens de parenté La construction de Renart comme personnage décepteur obéit à un schéma bien connu qui en fait un être bidimensionnel : une dimension positive et une dimension négative. Plus proche des dieux et des humains, il présente à la fois un caractère angélique et diabolique favorable au déploiement de sa ruse consubstantielle que Paul N’Da assimile à la mètis9 des Grecs: «Elle [la ruse] est faite à la fois d’intelligence, de sagesse, de débrouillardise, d’habileté, de malice, de duplicité, de sensibilité intuitive. Elle est capable de fourberie, de rouerie comme de la plus haute générosité, de bonté. Elle se marie à la raison comme au sentiment. Elle sait utiliser tous les moyens, ceux des pièges, des subterfuges et des mots pour arriver à ses fins, gagner. Elle est une intelligence à l’oeuvre, qui sait répondre immédiatement aux situations créées et qui cherche à trouver, à inventer une solution ou une réplique » (N’Da, 1990: 39-40). 9 La mètis ou métis (en grec ancien Μτις / Mễtis, littéralement «le conseil, la ruse») est une stratégie de rapport aux autres et à la nature reposant sur la «ruse de l'intelligence». Wikipédia (encyclopédie libre, en ligne), http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8tis_(Gr%C 3%A8ce_antique). En effet, décepteur vient du mot latin «decipere» qui veut dire «induire en erreur». Ce personnage tire sa force du mot français «déception» dont le sémantisme originel renvoie à l’acceptation d’une tromperie bâtie autour d’une promesse fallacieuse, d’un faux serment ou d’une attente illusoire. Personnage complexe et protéiforme, Renart incarne la ruse de l’intelligence liée à l’art de la simulation / dissimulation. Il campe ou simule le rôle du bon père de famille, attentionné, soucieux du bien-être des membres de sa famille, catalyseur d’énergie constructive et protectrice. Ses sorties de la maison sont placées sous l’égide de la quête quotidienne et vitale du pain familial10. Mais une telle débauche d’énergie en faveur de la survie de son épouse et de ses enfants dissimule sa méchanceté viscérale en direction des autres familles constituées dans une interaction conflictuelle. II. 1. Renart et structure familiale: le jeu déstabilisateur d’une interaction conflictuelle Hors du cadre familial, Renart subit une véritable métamorphose comportementale en rapport avec l’autre pan de sa nature. Il n’est plus ce personnage bienveillant et fédérateur qui agit en faveur de la cohésion et de l’équilibre social. Les conteurs le représentent dans son rapport aux autres familles11 comme un être malfaisant et déstabilisateur. 10 Il faut se référer à ce sujet aux différents contes, au nombre de huit (8) noués autour de la quête de nourriture. Ce sont: les branches II III, Renart et les anguilles IV, Renart et Isengrin dans le puits V, Renart, Isengrin et le jambon VII, Renart mange son confesseur XIV, Renart et Tibert dans le cellier du vilain XV, Renart, Tibert et l’andouille XVI, Le partage des proies. 11 Allusion faite aux trois autres familles citées plus haut. Décepteur des contes renardiens et déstructuration …/29 Analysons: alors qu’il présente le visage angélique d’un époux modèle dans le cocon familial, Renart se refugie derrière l’indissolubilité du mariage pour contracter d’autres :::union:::s libres et coupables. Il se fait ainsi de nouvelles amies avec qui il mène une double vie. Non seulement Renart viole le serment de fidélité à Hermeline sa légitime épouse mais, pire, ses nouvelles conquêtes sont des femmes adultères, notamment Fière la reine et Hersant l’épouse d’Isengrin, son éternel opposant. Ce qui en ajoute au drame du décepteur renardien, c’est que toutes deux, Fière la reine et Hersant, ont été l’objet de violence sexuelle de la part de cet amant d’un autre genre sous le regard médusé de leurs époux respectifs. Alors que, attaché par Renart, le roi ne devait que constater sans pouvoir y opposer la moindre résistance, l’accomplissement de l’acte ignoble et déshonorant12, Isengrin, lui, a suivi, de loin, la scène du viol de son épouse13 après que Renart soit allé en intimité avec elle dans la chambre conjugale en présence de leurs enfants14. Chantecler et Pinte sont, quant à eux, constamment la cible d’attaques physiques et brutales, si ce ne sont des manigances insidieuses, de la part de Renart dans sa quête de la nourriture quotidienne. Les agissements du décepteur renardien sont, comme on peut le constater, lourds de conséquences. Ils ont permis d’introduire chez les membres de ces trois familles bien 12 Branche Ia, Le siège de Maupertuis, vv. 1765- 1835. 13 Branche II, Renart et la louve, vv. 1261-1303. 14 Le viol de Hersant par Renart s’est produit dans la chambre conjugale du couple Isengrin /Hersant, en présence de leurs enfants légaux. Estimant ne pas avoir été considérés, ceux-ci ont menacé d’en souffler un mot à leur père. Branche II, Renart et la louve, vv. 1032-1155. de mauvais sentiments comme la jalousie, la méfiance et la défiance. N’est-ce pas d’ailleurs la scène du viol d’Hersant par Renart, au vu et au su d’Isengrin, qui est à l’origine du conflit ouvert et populaire entre ces deux pères de famille et qui provoquera un courroux incompressible15 chez le mari cocu ? En tout état de cause, l’incursion de Renart dans le microcosme familial d’Isengrin a suscité des scènes de ménage allant de la profération de langages obscènes et injurieux à l’expression d’une violence envers la femme. Elle sera d’ailleurs contrainte et forcée de subir les affres des joutes verbales de la justice royale devant qui une plainte a été déposée par Isengrin et où elle a été amenée, très souvent, à intervenir pour donner sa version des faits qui lui sont reprochés16. Le roi sera, évidemment, très remonté contre son épouse qui n’a pas su canaliser cet amour coupable pour un homme marié. Son déshonneur est à la mesure de son statut social: quelle considération peut-on avoir désormais pour un roi cocu, pourtant choisi pour présider aux destinées d’un royaume dont il devra aider à résoudre les tensions? Les foyers familiaux d’Isengrin et de Noble le roi ne seront pas les seuls à souffrir de cette infidélité de Renart. 15 Isengrin le cocu a formulé une plainte en bonne et due forme contre Renart le violeur auprès du roi qui, au lieu de prendre au sérieux cette requête, la négligera, suscitant des rebondissements dans cette affaire qu’Isengrin tentera, en définitive, de régler par voie de fait, notamment par des scènes de violence physique. 16 Isengrin et Hersant, son épouse, s’opposent nettement dans la version qu’ils donnent de la scène qui menace de disloquer leur couple. En effet, alors que le mari se plaint au roi du déshonneur dont il a été l’objet de la part de Renart le violeur, Hersant, elle, parce que aimant secrètement le mis en cause, cherche à le disculper et à faire passer son époux pour un homme «tellement jaloux / qu’il s’imagine tous les jours être cocu.», branche I, Le jugement de Renart, vv. 157-158. 30/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Hermeline, l’épouse du mari infidèle, subira également les «effets collatéraux» de ce dévergondage. La branche Ib du Roman de Renart relate la dispute verbale suivie d’échange de coups entre les deux rivales17 tandis que la branche VI, elle, lève un coin de voile sur le duel de Renart et d’Isengrin18. Comme il est à remarquer, aucun couple n’est vacciné contre le virus de la déstabilisation incarné par Renart. Tel un agent pathogène pour le corps familial, le décepteur des contes renardiens inocule ses symptômes sur l’intégrité organique des membres de la cellule familiale par le recours à la ruse fondée sur les fausses parentés. II.2. Renart et la ruse par la fausse parenté: parenté dévoyée ou revers de la «parenté à plaisanteries» Pour parvenir à tromper ses adversaires, Renart crée l’événement sur la base du faux. L’un de ses techniques de ruse consiste, dans cette société belliqueuse du Moyen Age, à faire croire à ses potentielles victimes qu’il est un être pacifique guidé par un lien naturel d’affection et de sympathie respectueux du caractère sacré de la parenté. En d’autres termes, Renart invente «de toute pièce» un lien de parenté avec ses ennemis pour mieux les manipuler à sa convenance. Cette ruse se résume à faire croire à des faussetés salutaires. Permettant ordinairement d’établir un climat de confiance et de convivialité, les liens de parenté apparaissent, pour le rusé, comme un tremplin insidieusement mis en place 17 Il s’agit d’Hermeline, l’épouse, et d’Hersant, l’amante de Renart. Branche Ib, Renart jongleur, vv.3034-3177. 18 Branche VI, Le duel de Renart et d’Isengrin, vv. 827-1344. dans le but d’attirer l’adversaire dans un piège. Cet usage dévoyé de la parenté s’oppose aux principes de tolérance et de bonne humeur constatés dans d’autres régions du monde: «Dans maintes sociétés humaines, il existe un phénomène de ‘‘parenté à plaisanteries’’, objet d’étude fort singulier de l’anthropologie classique, qui en a donné une définition canonique: ‘‘La ‘‘parenté à plaisanteries’’ est une relation entre deux personnes dans laquelle l’une est autorisée par la coutume, et dans certains cas, obligée de taquiner l’autre ou de s’en moquer l’autre, de son côté, ne doit pas en prendre ombrage.’’ Et vice-versa. Appelées à l’origine, sur des terrains nordaméricains, océaniens puis africains, ‘‘joking relationships’’, puis, en français, ‘‘parenté à plaisanteries’’, ces relations particulières à l’intérieur de la famille, de la parentèle ou du clan, ont cependant été réduites à leur fonction» (Touré, 2010 : 147). Ne servant que les seuls intérêts de Renart, la parenté est ainsi vidée de son sens originel pour devenir l’objet d’une banalité consternante. Le semblant de plaisanterie que Renart instaure dans son rapport aux personnages qu’il présente comme faisant partie de sa famille n’est qu’un jeu de dupes pour créer l’illusion et cacher ses vraies intentions. Pourquoi Renart opte-il pour les fausses parentés pour parvenir à ses fins? Comment procède-t-il concrètement? Renart est par définition un personnage rebelle19 à toutes les formes d’institution. Conscient de l’importance que l’on accorde aux liens de parenté au Moyen Age, il s’attaque à la famille, cellule de base de la société, pour mieux désorganiser, par un effet de boule de neige, l’ensemble du tissu social. Son 19 A en juger par le titre de l’article d’Armelle Leclercq, «Renart ou le rire rebelle» publié dans la revue Etudes littéraires, volume 38, numéro 2-3, hiver 2007. Décepteur des contes renardiens et déstructuration …/31 action consiste à opposer l’un à l’autre, les membres d’une même famille, non en les confrontant face à face, mais en procédant par une mise à l’écart ou par défaut (en l’absence d’un des personnages concernés). En d’autres termes, Renart préfère diviser pour mieux régner: «Confronté à Renart, un animal s’en méfie par la parole, Renart détourne l’attention de l’animal vers un autre point mû par le désir ou piqué dans son amour-propre, ce dernier exécute volontairement ce que Renart lui suggère piégé, il subit alors une violence, généralement du fait d’un tiers (souvent un être humain)» (Leclercq, 2007: 92). L’instauration d’une fausse parenté vise à distraire et à affaiblir par le recours au mensonge, au faux semblant. La parole du décepteur est fondée sur l’envers de la vérité, sur la production d’un réel dont la vraisemblance aveugle la conscience et donne de prendre les termes avec sérieux et sincérité. La disposition normale des éléments convoqués ayant ainsi été inversée, le rapport entre le signe et la chose n’est ni de l’ordre de la présence ni de l’ordre de la référence comme dans le mode symbolique, mais de l’ordre du barat (de la ruse). Dès lors, la vérité s’éclipse et est remplacée par le voirsemblant (le vraisemblable), ce qui en prend l’apparence et qui peut être son contraire même. Il ne s’agit plus alors, comme le reconnaît Jean Scheidegger, de dire la vérité, mais de faire acroire (croire) que ce que l’on dit est vrai. Claude Bremond précisera, pour sa part que «Tromper, c’est à la fois dissimuler ce qui est, simuler ce qui n’est pas, et substituer ce qui n’est pas à ce qui est dans un paraître auquel la dupe réagit comme à un être véritable…pour mordre à l’appât, la dupe a besoin de le croire vrai et de ne pas apercevoir l’hameçon» (Bremond, 1966: 70). Ainsi, dans l’épisode20 où il est aux prises avec Chantecler le coq (perché sur un tas de fumier), Renart recourt aux ressources de la filiation pour avoir en sa possession le fromage que la volaille tenait dans son bec. Le conteur de ce récit y montre comment le décepteur, par le moyen de la ruse, a donné de faux espoirs au coq en lui proposant la clé d’accès à la célébrité. Il lui raconte alors une histoire dont le supposé père, dénommé Chanteclin qu’il présente d’ailleurs comme son oncle, est le héros ayant acquis sa célébrité grâce à la beauté de sa voix. Pour montrer qu’il en est le digne héritier, le fils est invité, à son tour, à chanter, un oeil fermé, l’autre ouvert, d’une voix mélodieuse et stridente. Supercherie mise en scène par le décepteur que la victime n’a su découvrir, car voulant relever le défi de la dotation du talent congénital et faire la démonstration de son appartenance à la lignée de ce défunt père cité en exemple, Chantecler ouvre grandement son bec pour y laisser s’échapper sa belle voix. Conséquence: réussite de la ruse, car Renart parvient à se saisir du chanteur qu’il conduit en direction de sa demeure pour y nourrir sa famille avant d’en être dépossédé par manque de vigilance. Renart utilise le même scénario contre Tiécelin le corbeau (perché sur un arbre) que le rusé incite à bien chanter comme sire Rohart, son défunt père, le meilleur chanteur de France21. Piqué dans son amour-propre, Tiécelin, comme 20 Il s’agit d’un des épisodes de la branche II du Roman de Renart intitulée Renart et Chantecler le coq. Cette branche, la plus ancienne du recueil, a pour auteur Pierre de Saint-Cloud. 21 Branche II, Renart et Tiécelin le corbeau, v. 923. 32/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Chantecler, se mit à chanter en laissant choir le fromage qui, une fois à terre, est vite récupéré et mangé par Renart qui, tenaillé par la faim, se tenait au pied de l’arbre. Ce mécanisme de dissimulation ou de falsification de la réalité par cette espèce de plaisanterie de mauvais goût utilise également les ressources du cousinage. Le rappel de ce lien de parenté a permis à Renart de tromper d’autres adversaires par simple plaisir ou pour répondre à un besoin de nourriture. La fonctionnalité de la relation entre le décepteur renardien et les différentes familles en présence dans le récit a permis de découvrir une interaction déséquilibrée due aux assauts répétés de Renart. Il agit plus en ennemi de la concorde familiale qu’en artisan de son bien-être. Comme les autres institutions sociales, la famille n’est nullement exemptée des méfaits de la ruse malfaisante et déstabilisatrice de Renart. Mais, pourquoi le microcosme familial et ses différentes composantes souffrent-ils le martyre de la ruse renardienne? Quelles intentions les conteurs renardiens portentils sur une telle représentation? III. Récits renardiens et conflits familiaux: enjeux d’une représentation La représentation de la vie telle que vécue dans les structures familiales porte la marque d’un réalisme social en vogue au siècle des auteurs des récits renardiens. L’inconduite de Renart et ses effets sur l’équilibre familial sont représentatifs d’un malaise existentiel que le déploiement des aventures se plait à restituer en y mettant un accent sur la satire des conduites déloyales au sein du microcosme familial. III.1. Restitution saisissante de l’image de la famille au Moyen Age L’image que les conteurs présentent de la famille dans Le Roman de Renart est tributaire du sort qui lui est réservé dans la société. Cette structure familiale en ballottement est la preuve qu’elle est encore en quête d’une stabilité à venir mais déjà mise à mal par la résurgence de certaines pratiques rétrogrades. L’avènement de «la famille conjugale» sous le règne de Charlemagne, en remplacement de «la famille large» qui autorisait des :::union:::s libres et multiples, n’est pas, en effet, du goût de ceux qui se sont vautrés dans ce mode de vie où les liens matrimoniaux n’étaient pas encore marqués du sceau de l’indissolubilité. André Burguière, dans un compte-rendu d’étude de L’histoire de la famille, souligne: «Jean-Pierre Cuvillier souligne un contraste rarement perçu et pose des questions plus importantes qu’il n’y paraît de prime abord. Il affirme en effet que le monde germanique est coupé en deux: celui qui subit l’influence romaine et voit s’épanouir la famille nucléaire d’une part, celui qui demeura toujours hors du limes et continue de vivre dans un système de «clan», de l’autre. Sans doute cette opposition reflète-t-elle une bonne part de vérité» (Burguière, 1986: 141). C’est dans ce monde en pleine mutation, c’est-à-dire à cheval sur un ordre ancien qui refuse de s’éteindre et un ordre nouveau qui cherche ses marques qu’évoluent les personnages du corpus. Tout changement étant difficilement le bienvenu, le type familial conjugal ne peut que souffrir des comportements de personnes enclines à retomber dans leurs errements. Renart le décepteur n’est qu’un prototype parfait de toute personne rebelle au changement et malaisément disposée à Décepteur des contes renardiens et déstructuration …/33 saboter les acquis de la reforme et les valeurs qu’elle propose. Armelle Leclercq fait une incursion au coeur de cette rébellion de Renart à toute institution qu’il juge privative de liberté: «Éternel rebelle, Renart ne se soumet à aucune autorité (…). Il brave une à une toutes les valeurs du royaume de Noble, royaume qui constitue un calque de la société médiévale. Pendant tout le roman, Renart se joue de l’autorité royale et de l’institution du mariage (en cocufiant Isengrin). Son pouvoir de contestation est sans limites. Il tourne directement en ridicule la convocation en justice (branche I, dite «du plaid»), le serment (branche VI), la trêve de Dieu et la paix de Dieu (branche II), le baiser de paix (branche II), le compérage (brancheII), les règles monacales (branche VII), l’ordination (branche XIV), les reliques (branches X et XIV), le pèlerinage (branches I et X), la confession (branche I), la prière (branche VII), la messe (branches XII et XIV), l’eucharistie (branche XIV) et même le baptême (branche XI)» (Leclercq, 2007: 93-97). Le but assigné à Renart est de tourner en dérision toutes les institutions politicoreligieuses de l’époque, en prenant le contrepied des valeurs communément admises. C’est pour cette raison qu’il rame toujours à contre-courant de la vague de changement sociale et de toute norme prescrite. En un mot, Renart est l’incarnation de la perfidie que l’étape suivante de la présente analyse se donne pour tâche d’en décrypter les indices dans le cadre restreint de la famille. III.2. Dénonciation de la perfidie à l’échelle familiale La mise en récit du comportement réfractaire à l’autorité du mariage et de ses exigences est certes conforme à l’attitude de bien des gens qui, au Moyen Age, n’étaient pas disposés à abandonner leurs «premières amours». Mais, elle dépasse le seul cadre de la société médiévale tant le sujet abordé est commun à toutes les sociétés. La banalisation des liens de la famille et de la parenté s’inscrit dans un vaste mouvement de dénonciation de toute perfidie. Sur le plan familial, la fidélité des conjoints, l’un à l’autre, est renvoyée aux calendes grecques. En vivant d’infidélités, Renart expose au grand jour le comportement de tous les époux qui évitent de conformer leur existence aux exigences du mariage et de la vie conjugale. Ses manquements aux obligations que lui impose sa prédilection pour le mode de vie conjugale ne sont pas un exemple à suivre. C’est pour cette raison que les conteurs, soucieux de la prééminence des valeurs sociales, le conduisent très souvent dans des situations embarrassantes aux conséquences incalculables et insoupçonnées: il est parfois battu sans ménagement par ses victimes lorsqu’il parvient à contourner, par malice, la justice sociale. Ceci pour faire remarquer à qui veut mener une telle vie que «la ruse peut parfois conduire le rusé dans une ruse qu’il ne connait pas» (Hampâté Bâ, 1993: 89). On ne peut vouloir une chose et son contraire. Et cela doit clairement hanter l’esprit de tous ceux qui recherchent toujours des échappatoires ou des portes de sortie au mépris engagements pris ou du respect des termes du contrat. En ce qui concerne les liens de parenté, les récits renardiens ne nous proposent pas de les banaliser. Bien au contraire, ils font remarquer qu’ils gagneraient à être resserrés dans la mesure où Renart luimême en reconnaît l’importance et l’attachement de ses dupes à cette valeur cardinale: c’est parce qu’elles y croient qu’elles se montrent disposées à y voir 34/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 s’établir ces liens forts de consolidation familiale. Dans la préface de l’ouvrage collectif intitulé La famille occidentale au Moyen Age22, Georges Duby affirme: «Il apparaît que, dans les sociétés occidentales, sous la longue rémanence d’enveloppes rituelles, la mutation qui nous surprend était en marche et de très longue date (…). Il importe donc de plonger le regard dans un passé lointain. Ne datent d’hier ni le flux qui déplacèrent tant de ruraux vers les villes, ni la prolétarisation, ni l’allongement de l’espérance de vie, ni le travail des femmes, autant de phénomènes dont les effets sont de si lourde conséquence sur le rôle de l’héritage, les règles et la pratique du mariage, la cohésion du couple, la situation de l’enfance et de l’adolescence, les liens de cousinage ou de voisinage» (Duby, 2005: 14). Il est donc temps que l’on accorde à la tradition une attention particulière, car elle est d’enseignements pour une existence moins troublée et respectueuse de la morale et de la valeur des normes sociales. Conclusion Le décepteur des récits renardiens est un personnage représenté en constante interaction avec les structures familiales en présence dans l’économie de ses aventures. De cette confrontation surviennent une désagrégation profonde du tissu familial et une atomisation de ses différents constituants. Ces assauts contre la cohésion de la famille et de la parenté répondent à un désir de liberté de Renart qui, consubstantiellement contestataire de toute norme sociale, se donne pour défi de s’attaquer à la cellule de base de la société pour y contribuer à son dépérissement. Ses nombreuses incursions, telle une avalanche de vagues sur le rocher du microcosme familial, en constituent une 22 Henri Bresc et al, La famille occidentale au Moyen Age, Paris, Editions Complexe, 2005. menace à prendre au sérieux. C’est ce qui explique le recours à la dénonciation des agissements du décepteur et à la mise en place de sanctions y relatives sous la forme de dégâts portés à la fois sur son intégrité physique et morale lorsque le recours à la justice par voie de droit présente des limites. En tout état de cause, il ne sera pas dit, nonobstant les mauvaises actions déstabilisatrices de Renart, que la famille doit être sujette au rejet ou au désintérêt. Les liens entre les membres de la famille doivent faire l’objet d’une promotion dans un monde où la solidarité doit être le leitmotiv de toute action en direction d’autrui et de la société. Bibliographie Bindedou-Yoman, J. (2011). Les alliances à plaisanterie: une nouvelle intellection de la prévention et la résolution des conflits en Afrique. Perspectives philosophiques, 2. Abidjan. 157-183. Bremond, C. (1966). La logique des possibles narratifs. Communications, 8. Paris: Le Seuil. 60-76. Bresc, H. et al. (2005). La famille occidentale au Moyen Age. Paris: Editions Complexe. Burguière, A. & Klapisch-Zuber, C. (1986). Histoire de la famille, t. 1. Paris: Armand Colin. Deliège, R. (1967). Anthropologie de la parenté. Paris: Armand Colin. Detienne, M. & Vernant, J-P. (1974). Les Ruses de l’intelligence, la Mètis des grecs. Paris: Flammarion. Duby, G. & Le Goff, J. (1977). Famille et parenté dans l’Occident médiéval. Rome: Ecole française de Rome. Dufournet, J. et al. (1990). 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Abidjan: Les Editions du CERAP 36/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 De la linguistique descriptive à la linguistique appliquée en côte d’ivoire: analyse et propositions1 Kouadio, Pierre Adou Kouakou Université de Félix Houphouët Boigny Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire Institut de Linguistique Appliquée & Département des Sciences du Langage [email protected] Reçu: 11.1.2013 Accepté: 14.8.2013 Résumé Cet article se propose de faire une analyse critique de la mise en oeuvre de la Linguistique Appliqué en Côte d’Ivoire. En Afrique, malgré l’existence de nombreux instituts de recherche linguistique et un nombre considérable de travaux de description en linguistique africaine et/ou française, les résultats auxquels on s’attendait ne sont pas encore satisfaisants. C’est le cas avec la promotion de la langue française au détriment des langues locales qui sont pourtant suffisamment décrites pour être enseignées et promues. On continue d’assister à la baisse du niveau de français chez les apprenants. On a également l’impression que les recherches en linguistique ne consistent uniquement qu’à décrire. Une recherche scientifique dont les résultats ne servent pas la communauté est une recherche vaine. La recherche en linguistique ivoirienne n’échappe à cette réalité. On assiste à une description linguistique sans application et sans bénéfice véritable pour les différentes communautés qu’elle concerne. Au cours de cette analyse, il sera question, d’abord, de faire l’état des lieux de la mise en oeuvre de la Linguistique Appliquée en Côte d’Ivoire, ensuite de donner ce qui pourrait être les raisons de ce qu’on peut appeler la crise de la Linguistique Appliquée et enfin proposer quelques pistes de solutions pour une mise en oeuvre adéquate des résultats acquis par la description. Mots-clés: linguistique appliquée, Côte d’Ivoire, analyse, propositions. Introduction Selon J. Dubois (1994: 139): «On donne le nom de linguistique descriptive à la théorie linguistique dont le but est d’induire des corpus des règles. Leurs applications doit pouvoir rendre compte d’une manière complète de tous les énoncés de ce corpus». De ce point de vue, on peut dire que la linguistique descriptive et la linguistique appliquée qui se définit comme l’ensemble de recherches qui utilisent les démarches de la linguistique proprement dite pour aborder certains problèmes de la vie courante et professionnelle mettant en jeu le langage, et certaines questions que posent d’autres disciplines, sont intimement liées. Mais qu’est-ce qu’il convient d’observer en matière de recherches linguistiques dans certains pays africains, notamment en Côte d’ivoire? Si nous tentons de répondre à cette interrogation et après une observation objective de la recherche linguistique, on peut dire qu’en Côte d’Ivoire la linguistique appliquée ne suit pas le même rythme de développement que celle de la linguistique descriptive2. Il s’agira donc d’évaluer dans cet article, cette application de la linguistique en Côte d’Ivoire. En d’autres termes, la recherche linguistique est-elle effectivement mise en application 1 Le titre de cet article tel que formulé n’est qu’une ébauche de ce qui pourrait être l’objet d’une recherche de grande envergure (mémoire, colloque, thèse, etc.) il nous a été inspiré après enquête minutieuse menée dans le cadre des activités portant sur le colloque annuel (mars 2010) de l’Institut de Linguistique Appliquée de l’Université de Cocody-Abidjan. 2 Nous voulons faire remarquer que la recherche en linguistique descriptive est relativement abondante par rapport à la recherche en linguistique appliquée. 38/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 comme le voudrait la linguistique descriptive elle-même ? Nous exposerons également les risques que pourraient courir les langues maternelles ivoiriennes si l’on ne met pas véritablement en pratique les recherches de la linguistique descriptive. Pour ce faire, nous procédons à une analyse de la situation de la recherche linguistique avant de donner les raisons de la crise de la linguistique appliquée (si on peut l’appeler ainsi). Enfin, nous allons faire quelques propositions pour une recherche linguistique plus opérationnelle et plus dynamique en Côte d’Ivoire. 1. L’analyse Si nous jetons un regard critique sur l’histoire de l’évolution des langues, on peut constater que toutes les nations du monde dites «modernes» et «puissantes» ne se sont développées qu’à partir de l’usage «complet»3 de leurs langues maternelles. Autrement dit, aucune de ces nations ne s’est développée avec la langue des autres. C’est le cas par exemple de la France avec le français, de l’Angleterre avec l’anglais, du Japon avec le japonais, etc. Aussi, le rayonnement d’une langue donnée à l’échelle planétaire, constitue-t-il un prestige pour le pays dont elle est issue. Ainsi, certains pays comme la France ou encore l’Angleterre continuent de se battre pour le prestige de leurs langues à travers des organisations internationales comme la «Francophonie» et le «Commonwealth». Ailleurs encore, on parle de la «ligue arabe» pour désigner tous les pays qui ont en commun la langue arabe. Cependant, si ces langues connaissent aujourd’hui autant de prestige, c’est parce 3 Cet usage ‘‘complet’’ concerne aussi bien l’écrit comme l’oral. qu’un travail préalable a été effectué. Ce travail est relatif à la description systématique de ces langues. Ce travail de description sera ensuite soutenu par la création d’institutions académiques. En la matière, on peut citer la prestigieuse «Académie Française» qui a vu le jour en 1635. Un travail de consolidation du prestige de ces langues des pays dits «modernes» sera également soutenu par les nombreuses conquêtes coloniales. C’est le cas par exemple en Afrique où le français et l’anglais se sont «imposés» comme les langues officielles des nations nouvellement indépendantes. Mais bien que ces langues étrangères soient les principaux moyens de communication des pays africains, certaines autorités vont songer à introduire l’enseignement des langues maternelles locales dans le système éducatif. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, les autorités des années 60 et 70, en prélude à la réforme de l’enseignement, ont fait voter une loi à l’Assemblée Nationale. Voici ce qu’en stipulent les articles 67 et 68: Article 67: L’Introduction des langues nationales dans l’enseignement officiel doit être conçue comme un facteur d’unité nationale et de revalorisation du patrimoine culturel ivoirien. Article 68: L’institut de Linguistique Appliquée est chargé de préparer l’introduction des langues nationales dans l’enseignement, notamment par leur description, leur codification, l’identification et la consignation de leurs grammaires et lexiques, l’élaboration de manuels scolaires et développement des productions littéraires garantissant leur caractère culturel. Dans cet élan, l’Institut de Linguistique Appliquée (ILA), en collaboration avec le Département des Sciences du Langage va procéder à la description partielle ou systématique de plusieurs langues De la linguistique descriptive à la linguistique …/39 ivoiriennes. C’est ainsi qu’on a assisté dans les années 70 à la mise en oeuvre des différents Atlas des langues nationales ivoiriennes. Il s’agit entre autres de l’Atlas des langues kwa et l’Atlas des gur. Au-delà des langues ivoiriennes, ces deux institutions académiques vont procéder à la description des variétés locales du français. Il s’agit notamment du Français Populaire Ivoirien (FPI), du français ivoirien et du nouchi. Ainsi pouvons-nous citer Kouadio N’guessan Jérémie qui, en 1990, consacrait le premier article scientifique sur le nouchi, argot de jeunes ivoiriens. En effet, le nouchi est un mélange de français et de langues locales ivoiriennes très dynamique, en pleine expansion dans les milieux urbains et périurbains. Comme illustration de production nouchi, apprécions les exemples suivants: (1a) il y a foyi (production nouchi) (1b) il (n’) y a rien (traduction français standard) (2a) la go-la est klaman (production nouchi) (2b) cette jeune fille est belle (traduction français standard) Le terme «foyi» est un emprunt aux langues ivoiriennes, notamment le baoulé (langue kwa) et le dioula (langue mandé). Quant au terme «go», il est d’origine inconnue, mais il demeure fréquent dans le parler des populations ivoiriennes. Aussi, dans un travail de recherche intitulé Description de la variation: études transformationnelles des phrases du français de Côte d’Ivoire (2002), Akissi Béatrice Boutin fait une description des variétés de français présentes en Côte d’Ivoire. Par ce travail, l’auteur veut contribuer à une meilleure compréhension de la variation linguistique du français de Côte d’Ivoire, en mettant à la disposition des enseignants, des éditeurs, et toute personne s’intéressant à la langue, des analyses de la variation du français en Côte d’Ivoire. En outre, bien que les objectifs pédagogiques aient été fixés au début, on peut constater que l’étape de la didactique et de l’enseignement des résultats de toutes ces recherches linguistiques n’est pas encore franchie. En d’autres termes, les nombreux travaux de description des langues ivoiriennes et des variétés de français n’ont pas encore été suffisamment exploités comme le souhaitait le gouvernement ivoirien. Cette situation laisse entrevoir que nous sommes restés dans une léthargie où on décrit sans pouvoir s’en servir ou tout au plus, la plupart de ces recherches ne se limitent qu’à l’application des théories linguistiques. Parmi ces théories, on peut citer, le fonctionnalisme, la grammaire générative, l’énonciation et l’analyse du discours. Or, si l’on veut atteindre les objectifs assignés dès le départ avec la création de l’Institut de Linguistique Appliquée, il faut absolument franchir l’étape de la linguistique appliquée et de la didactique des langues. N.J. Kouadio (1977: 225), faisant référence aux objectifs assignés à l’Institut de Linguistique Appliquée (ILA) écrit que: Les responsables de cet Institut, en collaboration avec le ministère de la recherche scientifique, ont établi un programme de recherche pour les années à venir comportant les thèmes suivants: «1-L’enseignement du français 2-La description des langues ivoiriennes et leur enseignement 3-L’alphabétisation aussi bien en français qu’en langues nationales 4-Les recherches en tradition orale 5- La situation sociolinguistique de la Côte d’Ivoire». 40/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Au regard donc de ce qui précède et après observation de ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui, on peut se rendre compte que plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Pour l’enseignement du français, bien que de nombreux travaux aient été consacrés à la description des variétés locales du français, aucune disposition particulière n’est prise pour les mettre en application. Pire, depuis maintenant quelques années, le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) pour l’enseignement du français n’est plus autorisé aux étudiants formés au Département des Sciences du Langage et par l’Institut de Linguistique Appliquée (ILA). Pour la description des langues ivoiriennes et leur enseignement, de nombreuses recherches ont été faites. Cependant, il reste encore beaucoup à faire parce que d’autres langues ne sont pas encore décrites. Aussi, s’il est vrai que depuis maintenant une décennie, une dizaine de langues sont en phase d’expérimentation dans les programmes de l’enseignement primaire avec le Projet Ecole Intégrée (PEI), il faut tout de même reconnaitre que, la langue française et ses différentes variantes gagnent de plus en plus du terrain par rapport aux langues ivoiriennes. Ce constat laisse penser que l’étape de l’enseignement des langues ivoiriennes n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, car aujourd’hui de plus en plus d’Ivoiriens ont le français comme langue maternelle et/ou première. Bien plus, le Projet Ecole Intégrée (PEI) est toujours à l’étape de la phase expérimentale. Pour l’alphabétisation en français et en langues nationales, le constat semble être le même avec le point précédent. Ici, malgré les nombreux moyens dégagés par l’Etat de Côte d’Ivoire et certaines institutions internationales comme l’UNESCO ou encore le PNUD, le taux d’analphabétisme reste très élevé. Selon J.F. Koffi (2008: 3): «Selon le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH, 1998), la Côte d’Ivoire présente un taux d’analphabétisme de 53%». Ce taux d’analphabétisme est trop élevé pour un pays qui se veut moderne. Si on se limite à ces trois points (l’enseignement du français, l’enseignement des langues ivoiriennes, l’alphabétisation en français et langues nationales), on peut dire que la linguistique appliquée et la didactique des langues en Côte d’Ivoire sont en «crise». Autrement dit, le fossé qui sépare la linguistique descriptive et la linguistique appliquée est grand. En réalité, ces deux notions que sont linguistique descriptive et linguistique appliquée devraient être complémentaires parce que c’est par l’application de la description qu’on pourra également améliorer et renforcer la recherche descriptive déjà existante. Nous parlons de «crise» parce que selon nos enquêtes à l’Institut de Linguistique Appliquée et au Département des Sciences du Langage de l’Université de Cocody Abidjan, la linguistique appliquée a connu ses lettres de noblesse dans la période de 1963 jusqu’au milieu des années 80. En effet, c’est à cette période que les résultats en linguistique appliquée ont été plus probants et plus prolifiques. Cela peut s’expliquer par le fait que, d’une part, les infrastructures et les équipements étaient en bon état et d’autre part, ces infrastructures et équipements bénéficiaient d’une maintenance régulière. Toutes ces raisons, nous amènent à dire De la linguistique descriptive à la linguistique …/41 que la linguistique appliquée est en «crise». Certes, l’objectif de la recherche linguistique en tant science objective n’est pas d’orienter l’évolution linguistique et/ ou sociale d’un pays, mais les résultats de cette recherche linguistique doivent pouvoir servir d’où l’importance de la linguistique appliquée. Cependant qu’est-ce qui peut justifier cette «crise» de la linguistique appliquée? En d’autres termes, quelles peuvent être les raisons de cette «crise» de la linguistique appliquée? Dans cette deuxième séquence de cette réflexion nous énumérons quelques raisons de cette «crise» de la linguistique appliquée en Côte d’Ivoire. 2. Les raisons de la crise de la linguistique appliquée Les raisons de la crise de la linguistique appliquée sont multiples. Mais nous pensons que la première est avant tout un problème organisationnel des différentes structures académiques qui sont supposées être habilitées à mettre en application la recherche descriptive. Il n’existe pratiquement pas de collaborations scientifiques entre les structures académiques qui doivent mettre en pratique la recherche descriptive. Ces institutions sont entre autres l’Institut de Linguistique Appliquée (ILA), les Départements des Sciences du Langage et des Lettres Modernes, le Service Autonome d’Alphabétisation (SAA), le Département des Lettres Modernes de l’Ecole Normale Supérieure et le Ministère de l’Education Nationale. Si au niveau de l’ILA et du Département des Sciences du Langage la collaboration semble de mise4, il n’en est pas de même avec les autres institutions citées ci-dessus. En principe, l’ILA avec les autres structures concernées par la linguistique appliquée devraient travailler en étroite collaboration. Alors qu’ici, ce n’est pas le cas. Sinon, comment comprendre que depuis la mise en oeuvre du Projet Ecole Intégrée, l’ILA n’est intervenue seulement qu’à l’étape de la conception des tous premiers manuels? Aujourd’hui, de façon solitaire, le Ministère de l’Education Nationale pilote ce projet sans avoir recours aux véritables spécialistes. Dans une telle situation, il ne serait pas étonnant que ce projet (très intéressant) échoue. Il en est de même pour l’alphabétisation aussi bien en français qu’en langues locales ivoiriennes. La plupart des personnes (90% au moins) qui animent les Centres d’Alphabétisation n’ont reçu aucune formation en la matière5. Comment peut-on s’attendre à des résultats satisfaisants dans un tel contexte? Il y a également la suppression du concours d’entrée à l’ENS aux étudiants formés aux Département des Sciences du Langage. S’il existait une franche collaboration entre le Département des Sciences du Langage et ceux des Lettres Modernes des Universités de Cocody, de Bouaké et celui de l’Ecole Normale Supérieure (ENS), l’on devrait comprendre que l’étudiant formé en linguistique française et africaine, serait mieux outillé pour enseigner le français dans un pays comme la Côte d’Ivoire, où le français est pratiqué comme une langue seconde. 4 La plupart des enseignants du Département des Sciences du Langue sont des chercheurs à l’ILA. 5 Ce constat est le résultat d’une enquête que nous avons menée dans certaines communes du District d’Abidjan. 42/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 La deuxième raison est liée au problème d’ordre matériel et financier. Contrairement aux années 70 et 80 où l’ILA disposait d’un minimum de moyens pour la description des langues ivoiriennes et ensuite pour la publication de syllabaires et autres revues, il faut reconnaitre qu’il n’en existe pratiquement plus: l’Etat de Côte d’Ivoire ne s’y intéresse plus l’appui extérieur avec les différentes coopérations n’existe plus. Aujourd’hui, il n’existe que les traces de ce qu’avait été l’ILA6. Dans ces conditions, la motivation ne peut être de mise et cela a pour conséquence directe, un manque criant de résultats probants pour l’application des différentes descriptions linguistiques. La troisième raison est relative au manque d’intérêt de l’Etat ivoirien pour la promotion des langues nationales. S’il existait une réelle volonté politique pour le rayonnement des langues maternelles ivoiriennes, l’Etat y mettrait les moyens (le minimum) nécessaire pour leur promotion. A propos de l’importance de l’usage des langues nationales à l’école, voici ce que recommande l’UNESCO (1971): «L’usage des langues africaines dans l’enseignement facilite le processus de l’apprentissage et engendre l’esprit de créativité. La langue africaine parlée en famille et dans la vie quotidienne est le meilleur support de la pensée africaine, car il a été démontré qu’on ne peut pas penser avec la tête d’autrui. Seule l’éducation en langues africaines peut résoudre le problème du déséquilibre existant entre l’élite et la masse, les parents et les élèves et favoriser ainsi le développement harmonieux des pays africains». 6‐ On peut faire ce constat en faisant l’état des lieux de l’ILA. Il existe une salle d’informatique mal équipée, une salle de reprographie sans équipement, un mensuel de publication (CIRL) dont le dernier numéro date de 1996, etc. Depuis maintenant un peu plus de dix ans, le Projet Ecole Intégrée tarde à décoller. En principe, après dix ans de phase expérimentale, l’on devrait être à l’étape de l’extension du projet. Malheureusement, nous en sommes encore à l’étape initiale. De ce constat, on peut déduire qu’il n’existe véritablement pas de suivi et de mesures d’accompagnement. Aussi, l’aboutissement d’un tel projet permettrait à la Côte d’Ivoire de disposer d’une véritable littérature et d’une presse en langues maternelles ivoiriennes. Face à cette situation qu’on pourrait qualifier de dramatique, que faut-il faire ? Nous tenterons de répondre à cette interrogation en proposant quelques pistes de solutions. 3. Propositions La première proposition est relative à l’optimisation et à la réorganisation des différentes structures académiques impliquées dans la linguistique descriptive et dans la linguistique appliquée. En effet, l’Institut de Linguistique Appliquée est reconnu pour les efforts qu’il fournit pour la description des langues ivoiriennes et des variétés locales du français. Ainsi, il est démontré par plusieurs chercheurs que l’influence des langues maternelles (le substrat) ivoiriennes est la principale cause de la variation du français. Etant donné que le Département des Lettres Modernes est le principal pourvoyeur de futurs enseignants de français, ces derniers doivent nécessairement collaborer avec l’ILA afin de permettre aux étudiants de comprendre les mécanismes du fonctionnement de la langue française lorsqu’elle s’éloigne de la norme centrale. Aussi devrait-on permettre aux étudiants formés par le Département des De la linguistique descriptive à la linguistique …/43 Sciences du Langage de présenter le même concours que leurs condisciples des Lettres Modernes. S’il y a lieux de procéder à des échanges d’unités de valeur (UV) entre ces deux institutions, on peut le faire. En d’autres termes, il faut encourager l’interdisciplinarité entre les trois institutions. De cette façon, les étudiants formés en didactique du français langue seconde et en linguistique appliquée à l’enseignement seront plus aptes à expliquer les phénomènes de la variation de la langue française. Pour l’enseignement des langues maternelles ivoiriennes à l’école, l’ILA doit absolument être au centre du projet. Le Ministère de l’Education Nationale doit mettre les moyens à la disposition de l’ILA. Dans tous les cas, cette disposition ne serait pas nouvelle, car c’est ce que recommandent les textes qui régissent la création de L’ILA, affirme N.J. Kouadio (1977: 22). Cette disposition concerne également l’alphabétisation en français et en langues nationales. Le Service Autonome d’Alphabétisation (SAA) ne devrait plus avoir le monopole de l’Alphabétisation en Côte d’Ivoire. Il faut nécessairement, par des textes légaux, établir une collaboration entre cette structure et l’Institut de Linguistique Appliquée. Aussi, la linguistique ivoirienne doit sortir de son «carcan» classique qui consiste à faire la description partielle ou systématique des langues pour s’orienter vers de nouveaux horizons. Il s’agit notamment de la linguistique appliquée aux Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication (NTIC), de la linguistique appliquée aux Sciences Médicales et de la Santé, de la linguistique appliquée aux Sciences Politiques et Juridiques, etc. Ainsi, si nous prenons le cas spécifique de la linguistique appliquée aux NTIC et avec l’essor fulgurant des sociétés de téléphones mobiles, on pourrait s’en servir pour créer des serveurs vocaux en langues ivoiriennes et de rédaction de messages «SMS» avec l’alphabet phonétique des langues ivoiriennes. Autrement dit, il sera de plus en plus question de la mise en application des résultats de la recherche en linguistique descriptive. Mais tout ce que nous venons d’évoquer précédemment ne connaîtra un succès si et seulement si l’Etat ivoirien s’implique véritablement. En effet, l’Etat ivoirien, à travers le Ministère de l’Education Nationale et celui de la Recherche Scientifique, doit responsabiliser les institutions de recherche qu’il faut et à la place qu’il faut. Ainsi, il doit définir clairement les rôles et les responsabilités des différentes institutions comme l’ILA, le SAA, les Départements des Sciences du Langage, des Lettres Modernes (à l’Université, comme à l’ENS). Tant que ce travail préalable n’est pas fait, les uns et les autres se marcheront toujours sur les pieds. On doit donc savoir qui doit «décrire» et qui doit «appliquer». Cependant ces objectifs ne pourront être atteints que s’il y a des mesures d’accompagnement. Ces mesures d’accompagnement sont d’ordre matériel et financier. Ainsi, l’Institut de Linguistique Appliquée doit être restructuré afin qu’il puisse relever les défis du moment. Il s’agit donc de l’équipement de l’ILA en matériels informatiques avec connexion internet, de la restauration de la salle de reprographie, de l’aménagement d’une salle de rédaction. Il faut également encourager les chercheurs (enseignants et étudiants) qui 44/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 s’intéressent à la description et à la didactique des langues ivoiriennes en mettant à leur disposition des primes d’incitation, etc. Si toutes ces dispositions sont prises, cela peut aider les étudiants orientés au Département des Science du Langage à se «décomplexer»7 et surtout à comprendre le bien fondé de l’étude des langues. Nous faisons cette remarque parce que selon nos enquêtes, la plupart des étudiants nouvellement orientés dans cette filière n’ont aucune notion de l’intérêt qu’il y a à étudier les sciences du langage et notamment la linguistique descriptive. Pourtant, si ces derniers savaient ce qu’ils pouvaient faire avec l’étude des langues maternelles africaines, ils pourraient proposer leurs services à des structures privées ou semi-privées dans le cadre de l’alphabétisation ou de l’enseignement en langues nationales. Ces structures peuvent être ici des Conseils Généraux, des Conseils Municipaux, des Associations Régionales, etc. Conclusion En conclusion, nous pouvons affirmer que la linguistique appliquée et la didactique des langues ne sont pas suffisamment mises en exergue malgré une relative abondance d’une linguistique descriptive en Côte d’Ivoire. Alors, nous suggérons que des dispositions particulières soient prises afin qu’il y ait une application effective et active de la recherche descriptive des langues ivoiriennes et des variétés locales du français. Si ces dispositions ne sont pas prises dès maintenant, nous risquons d’assister à la «mort» progressive des 7 La plupart des bacheliers nouvellement orientés au Département des Sciences du Langage n’éprouvent aucun intérêt à étudier les langues ivoiriennes. langues ivoiriennes. C’est pourquoi, toutes les autorités compétentes impliquées directement ou indirectement à la linguistique appliquée et à la linguistique descriptive doivent prendre la pleine mesure de la gravité de la situation afin que la recherche linguistique ait encore de beaux jours devant elle. Et comme le fait remarquer L. Bloomfield (1970: 25): «Le pas le plus difficile dans l’étude du langage est le premier. Maintes et maintes fois l’érudition s’est approchée de l’étude de la langue sans y pénétrer réellement. La science linguistique naquit de préoccupations relativement pratiques tel que l’utilisation de l’écriture, l’étude de la littérature et particulièrement des textes les plus anciens, la prescription d’un parler élégant mais on pouvait passer beaucoup de temps sur ces faits sans pénétrer réellement dans l’étude linguistique», la linguistique elle-même se veut une science de la pratique et de l’innovation. Bibliographie Adopo, A. F. (1996). Pluralité linguistiques et pluralité culturelles. CIRL, Abidjan, ILA. 31: 127-157. Adopo, A. F. (1996). Le Projet-Nord aujourd’hui et demain. TRANEL, Langue et Education en Afrique Noire: 103-115. Suisse. Institut de Linguistique. Université de Neuchâtel. Arnaud, E. (1979). Linguistique et enseignement du français en Côte d’ivoire. CIRL, Abidjan, ILA. 5: 14-24. Bloomfield, L. (1970). Le langage. Paris: Payot. Dubois, J. (1994). Dictionnaire de Linguistique et des sciences du langage. Paris: Larousse. Duponchel, L. (1975). 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(1977). Atlas des langues gur de Côte d’Ivoire. Université d’Abidjan. Institut de Linguistique Appliquée. Sangare, A. (1984). Dioula de Kong (Côte d’Ivoire) : phonologie, grammaire, lexique et textes. Thèse de 3ème cycle. Université de Grenoble3 46/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 . Etude de la structure narratologique dans «Carnet d’assurance maladie» de Jalāl Al-é Ahmad Nazri-Doust, Mas’oud Maître assistant, Université Shahid Chamran, Ahvaz, Iran [email protected] Reçu: 1.2.2013 Accepté: 7.8.2013 Résumé Dans cet article, nous nous penchons sur une nouvelle de Jalāl Al-é Ahmad intitulée Carnet d’assurance maladie. Comme c’est le cas de la majeure partie de ses oeuvres, cette nouvelle vise un problème social. Ce qui nous intéresse dans cet article, c’est l’analyse de la texture de la nouvelle: elle fera apparaître la valeur littéraire du texte d’une part, et d’autre part montrera à quel point l’oeuvre a été bien travaillée, bien structurée. De plus, les nouvelles critiques accordent plutôt l’importance à la forme qu’au contenu. Nous verrons que c’est justement ce genre d’analyse formelle qui favorise l’apparition d’un sens ou plutôt d’une synthèse de sens, synthèse imaginée, composée par l’auteur, et signalée dans l’oeuvre par des faits de texte, en l’occurrence, la métaphore. Mots-clés: narration, nouvelle, réalisme, structure, récits emboîtés, métaphore. Introduction L’oeuvre qui constitue l’objet de la recherche dans cet article, s’intitule Carnet d’assurance maladie. Cette nouvelle fait partie d’un recueil ayant pour titre Une femme de trop de Jalāl Al-é Ahmad. Ce dernier est connu dans la littérature contemporaine persane non seulement comme écrivain, mais aussi comme essayiste et traducteur. Pourtant son statut d’écrivain est très controversé. Pour certains, dans sa prose «nous rencontrons des immaturités, et cela à plusieurs égards.» (Dehbāshi, 1985: 462). Pire encore, certains autres posent des questions plus radicales: «Al-é Ahmad, quel genre d’écrivain est-il? Peut-on le considérer comme écrivain? […] nous aurons du mal à donner la réponse affirmative.» (Pirouz, 1993: 101). A propos du style et de l’influence d’Al-é Ahmad sur ses contemporains, certains comme Shafi’i Kadkani pensent qu’il «a été un écrivain au sens propre du terme, c’est pourquoi il fait partie des écrivains contemporains les plus populaires il est même possible que l’impact et l’influence de cet écrivain soient comparables à ceux de Sadegh Hedayat, et peut-être même plus.» (Azhand, 1984: 362). A propos du contenu de ses écrits, le fait est que «dans chacune de ses nouvelles est traité l’un des problèmes de la société» (kasmāï, 1984: 132) et que dans ses nouvelles, il «vise la justice sociale, en tant qu’écrivain réaliste» (kasmāï, 1984: 120). C’est pourquoi, dans cet article, ce qui nous intéresse n’est pas seulement le contenu de cette nouvelle qui - comme la plupart de ses autres nouvelles - contient une critique sociale de son époque, mais encore et surtout sa structuration textuelle: en quoi la fonction structurelle de cette nouvelle constitue un discours référentiel d'ordre social? Cette approche structurelle peut nous dévoiler de manière objective, dans quelle mesure l'oeuvre étudiée peut être considérée comme une construction littéraire. Jusqu'à présent, aucune analyse structurelle telle que nous projetons de réaliser dans cet article, n'a été opérée sur cette nouvelle. Carnet d’assurance maladie, dont la première édition date de Juillet 1952 48/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 (Dehbāshi, 1985: 21), contient 24 pages et traite d’une question sociale: dans un établissement scolaire, pendant la récréation, les enseignants apprennent qu’on va leur remettre obligatoirement des carnets d’assurance maladie. Presque tous sont mécontents, ils n’en veulent pas mais rien à faire c’est obligatoire! L’un d’entre eux, après la remise des carnets d’assurance maladie, se met à s’en servir et cela durant un an. A la fin de la nouvelle, nous apprenons que les carnets d’assurance sont tous retirés: presque tout le monde affirme en être content car ils pensent qu’au fond ce n’était que pour leur enlever une partie de leur salaire mensuel, et qu’ils ne sauraient pourquoi on les leur a remis ni pourquoi on les leur a retiré. Un ancrage réaliste La nouvelle porte comme titre le nom d’un objet: Carnet d’assurance maladie. Compte tenu de la nature du texte, en l’occurrence littéraire, on est amené à lire une histoire centrée sur un sujet à portée individuelle et sociale (effectivement, c’est à partir des cotisations reçues des individus que la collectivité accorde des aides). Une première particularité de cette nouvelle: aucun personnage ne porte de nom propre. Les personnages sont présentés d’après leur statut social: directeur de l’école, surveillant, enseignants (désignation selon la matière enseignée), employés de l’assurance, médecins. Autrement dit, ils représentent des types sociaux. Les lieux évoqués ou décrits sont constitués essentiellement de ceux publics: établissement scolaire, cabinet de médecin, pharmacie, etc. Finalement, deux occurrences importantes viennent ancrer le récit dans un cadre temporel et socioculturel précis: à deux reprises, apparaît le nom de «Téhéran» (Al-é Ahmad, 2008: 70 et 71). La deuxième indication se trouve dans la description caricaturale (et donc imagée) d’un personnage référentiel, à savoir le Shah dans son habituel uniforme militaire (à l’époque où il fut très jeune), à la page d’ouverture du récit où est décrite la salle des enseignants: «La salle était petite. Le bureau du surveillant en avait occupé la moitié […] Tout autour du plafond était couvert des fils noirs et sals d’électricité, de téléphone et d’alarme et au-dessus du bureau du surveillant était accrochée au mur une grande photo, encadrée, poussiéreuse et presque décolorée d’un jeunot en uniforme de scouts.» (Comme il a toujours été coutume dans les administrations, le bureau de directeur est surplombé par la photo de la personne qui représente l’autorité suprême dans un pays). A ces indications référentielles S’ajoutent d’autres indices - comme le montant des cotisations «cinq tomans», (Al-é Ahmad, 2008: 57), les honoraires des médecins «dix tomans», (Al-é Ahmad, 2008: 63) le fait que les enseignants portent des cravates (Al-é Ahmad, 2008: 51) - qui, dans l’ensemble, créent l’effet de réel tout en situant l’histoire dans la société iranienne d’avant la révolution, à Téhéran. Mais comment est-elle racontée cette histoire? L’objectif que nous nous sommes fixé dès le départ, étant l’étude de la structure, c’est l’aspect formel, le travail artistique constaté à travers la structure et non pas le contenu - ceci n’existerait pas sans la forme qui le signifie - qui attirent notre attention. De plus, «lorsqu’on analyse un texte, il faut d'abord déterminer de combien de séquences il se compose» (Adam, 1994: 149). Sinon, comment discuter de son articulation. Par ailleurs, des personnages qui agissent et évoluent au cours de l’histoire, ne peuvent pas exister sans un cadre Etude de la structure narratologique dans…/49 spatio-temporel qui lui-même fait partie des éléments formels et qui est de ce point de vue significatif. Comme le précise P. Ricoeur «Le caractère commun de l'expérience humaine, qui est marqué, articulé, clarifié par l'acte de raconter sous toutes ses formes, c'est son caractère temporel. Tout ce qu'on raconte arrive dans le temps, prend du temps, se déroule temporellement et ce qui se déroule dans le temps peut être raconté» (Ricoeur, 1986: 12). Espace-temps, une structuration séquentielle La progression du texte dans Carnet d’assurance maladie, suit l’ordre chronologique des événements narrés. Autrement dit, c’est l’organisation temporelle qui est à la base de l’organisation textuelle. Dans l’ensemble du texte (constitué de vingt-quatre pages), la première séquence constitue la scène inaugurale du récit. Elle se compose de cinq étapes temporelles qui sont les suivantes: La première séquence - page 51 à 60 - dans laquelle sont relatés: a. Entrée des enseignants dans la salle pour la pause-thé, pendant la première récréation b. Annonce de la remise des carnets d’assurance et la discussion des enseignants sur cette nouvelle c. Entrée du principal suivi des employés et la remise des carnets d’assurance maladie d. Cours suivant e. Réflexions du personnage principal (à midi, dans le bus), sur le carnet d’assurance maladie avant d’arriver chez lui, affamé et épuisé à la fin d’une journée chargée. Cette première séquence, nous pouvons la nommer «Une journée de travail». En fait, c’est dans cette séquence qu’est présenté un personnage mécontent, nerveux, agressif. Il souffre, mais nous en ignorons la cause on dirait qu’il est déstabilisé. Ainsi, cette première séquence serait celle du «manque», indispensable au déclanchement des faits dans tout récit. La seconde séquence est marquée par une double rupture (temporelle et spatiale) et par la présence d’un indice textuel: une courte phrase qui fait un paragraphe et qui coupe le texte en second titre: «Il a posé le carnet d’assurance maladie devant le médecin et s’est assis» (Al-é Ahmad, 2008: 60). Effectivement, le texte ne dit rien sur le temps écoulé entre l’arrivée du personnage principal chez lui et sa présence dans le cabinet du médecin. Par un saut dans le temps et dans l’espace, le texte nous emporte ailleurs: «chez le médecin». Cette seconde séquence, constituée d’une première consultation chez un médecin se termine par la sortie du personnage: «[…] arrivé sous la lumière des rues, il a ouvert son carnet d’assurance maladie et dans la partie consacrée aux noms des maladies, il a vu écrit «la fatigue nerveuse» avec la signature du médecin à côté» (Al-é Ahmad, 2008: 64). Ainsi, cette seconde séquence se révèle être celle de la «quête» puisque c’est durant cette séquence que le personnage agit en quête d’une solution pour trouver un remède à sa nervosité. La troisième séquence est ouvertement soulignée par une précision temporelle du narrateur: «[…] et ainsi a coulé toute une année» (Al-é Ahmad, 2008: 64). La consultation chez le médecin décrite à la loupe la première fois, sera renouvelée encore huit fois tout au long d’une année. Autrement dit, cette séquence est le prolongement de la même «quête» débutée dans la séquence précédente, mais cette 50/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 fois, de manière plus étendue et plus approfondie. Elle est composée de survols et de réflexions suivants: a. Constat des résultats des autres consultations, faites à la suite de celle développée dans la séquence précédente b. Réflexion sur son horreur des médecins c.Souvenir d’enfance et découverte d’un traumatisme d. Découverte de son motif d’utiliser le carnet d’assurance maladie e. Insuffisance de la médecine moderne. Un deuxième critère qui marque l’unité de cette troisième séquence et qui la délimite, est l’absence de toute indication spatiale. Si la cohésion de la deuxième séquence vient de ce que tout se passe dans le cabinet d’un médecin, cette troisième séquence ne comporte aucune démarcation spatiale quant à la place où se trouve le personnage lorsqu’il est en train de procéder aux introspections susmentionnées durant une année (Al-é Ahmad, 2008: 64-67). L’ouverture de la quatrième (et dernière) séquence est justement signalée par la réapparition des démarcations spatio-temporelles: «Entre les deux cours de la matinée, dans la salle des enseignants, ces derniers prenaient du thé en silence […]» (Al-é Ahmad, 2008: 67). De plus, la description dans cette dernière séquence comporte les mêmes éléments que ceux de la séquence d’ouverture de la nouvelle: «le vacarme des élèves dans la cour de l’école» (Al-é Ahmad, 2008: 51et 67) la présence des mêmes enseignants le même rituel de pause-thé les mêmes discussions sur le carnet d’assurance maladie et la même description, presque mot pour mot du bureau du surveillant: «Le bureau du surveillant en avait occupé la moitié» (Al-é Ahmad, 2008: 51). En d’autres termes, nous nous retrouvons dans la situation initiale de la nouvelle c’est comme si, le texte signalait que la boucle était bouclée, que nous touchions la séquence de «clôture»: la même salle où tout commença, est maintenant la scène où cette histoire de carnet d’assurance maladie va connaître une fin tragique, la mort d’un des enseignants (Al-é Ahmad, 2008: 74). L’analyse séquentielle du texte révèle ainsi quatre découpages temporels: - Journée de travail - Consultation chez le médecin - Année d’introspection - Temps d’une récréation finale. A partir de ces découpages, observons les lieux évoqués. La première séquence se passe à l’école, précisément dans la salle de ré:::union::: des enseignants durant deux temps de récréations, ensuite dans le bus (où le personnage est en pleine réflexion, à tel point qu’il ne remarque même pas la descente de ses collègues). La seconde séquence se passe dans le cabinet d’un médecin (au bout d’une heure d’attente dans la salle d’attente des malades). La troisième séquence, consacrée aux réflexions du personnage durant une année, est dénuée de toute démarcation spatiale. La quatrième séquence se passe de nouveau à l’école, dans la salle de ré:::union::: des enseignants. Ainsi donc, notre récit-cadre se déroule dans trois endroits différents: la salle des enseignants, le bus et le cabinet de médecin (la salle d’attente comprise). La représentation textuelle de ces lieux est significative sur le plan quantitatif: la nouvelle fait l’objet de 24 pages donc 14 consacrées à l’école environ 4 à la première consultation chez le médecin (sans compter les pages de la troisième séquence où, sans description des lieux, le personnage évoque - durant 3 pages - le Etude de la structure narratologique dans…/51 résultat de ses consultations postérieures chez les médecins, ses souvenirs d’enfance liés à la maladie, aux médicaments et aux médecins), 3 pages au bus (qui n’est pas décrit mais simplement évoqué comme cadre spatial où ont lieu les réflexions du personnage sur le carnet d’assurance maladie et ce genre de document). Textuellement, deux lieux sont mis en relief dans le récit: - Ecole, (ou plus précisément la salle des enseignants, à laquelle sont consacrées la première et la dernière séquence) - Cabinet de médecin (avec une première occurrence détaillée à la deuxième séquence, ensuite évoqué par l’indication des nombres de consultations, «huit autres consultations», dans la troisième séquence). A part le personnage principal dont la quête constitue la colonne vertébrale de la nouvelle, nous y reviendrons dans la suite, ce qui unifie les séquences textuelles est sa narration: qui raconte? Quel est le point de vue adopté? Comment est organisé le temps de la narration par rapport au temps des événements narrés? Bref, quelle est l’organisation narrative du texte? L’organisation narrative D’une manière générale, un récit «peut fournir au lecteur plus ou moins de détails, et de façon plus ou moins directe, et sembler ainsi […] se tenir à plus ou moins grande distance de ce qu'il raconte» (Genette, 1972: 183). Ainsi, se pose la question de l’objectivité du narrateur. En d’autres termes, plus le narrateur se borne à une présentation directe et rapprochée de ce qu’il raconte, plus il fait abstraction de ses propres impressions et pensées, plus paraîtra objectif ce qu’il raconte. Cela tient d’un fait divers rapporté pour informer le lecteur d’un fait et non pas de l’opinion de celui qui le rapporte. C’est ce que nous pouvons observer dans cette formule de G. Genette: «information + informateur = C, [ce] qui implique que la quantité d'information et la présence de l'informateur sont en raison inverse» (Genette, 1972: 187). Dans Carnet d’assurance maladie, le narrateur rapporte les faits sans pour autant faire partie des personnages du récit. Le texte ne comporte aucune indication sur son identité. Il n’est pourtant pas un narrateur neutre: par les qualificatifs qu’il emploie pour présenter le décor et les personnages, il laisse entendre son sentiment, son évaluation, son estime ou son mépris. Par exemple, dans la première séquence où il met en place le cadre et présente les personnages, à propos de la photo du roi, il indique: «[…] une grande photo, encadrée, poussiéreuse et presque décolorée d’un jeunot en uniforme de scouts.» Dans cette description, l’«uniforme de scouts» (désignant l’uniforme militaire du Shah) et le contraste entre la grandeur de la photo et le diminutif de «jeunot» laissent voir le mépris du narrateur pour la personne représentée. L’image utilisée pour évoquer l’obésité d’un enseignant participe du même parti ris: «il s’est laissé tomber sur la première chaise, à l’entrée, comme un sac lourd» (Al-é Ahmad, 2008: 52). Pour observer le nombre de ce genre d’interventions du narrateur, considérons les quatre séquences de la nouvelle. La séquence inaugurale (Al-é Ahmad, 2008: 51-60) est constituée essentiellement de deux sortes de description et de dialogue intercalés dans les descriptions: la description précise et détaillée de la salle de ré:::union::: des enseignants le portrait des enseignants portant sur leurs tenue, gestes, comportement, physique et langage: 52/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 «[…] premièrement est entré l’enseignant de français qui était un petit vieux, bien mis et qui, ayant enfoncé une allumette au fond de sa cigarette, la tenait, du bout des doigts, loin de lui-même. Comme si la cigarette et sa fumée portaient quelque chose d’impropre, ou des microbes, et qu’il fallait éviter […] par la suite, est entré l’enseignant de l’algèbre, qui était grand et mince, et chancelait en marchant et portait des lunettes et une cigarette fumante au bout de ses lèvres il était pâle à tel point qu’il paraissait atteint de tuberculose» (Al-é Ahmad, 2008: 52). La seconde séquence aussi procède de la même façon: la description du lieu (le cabinet du médecin) et des personnages (l’enseignant de dessin et le médecin), et l’usage du dialogue, c’est-à-dire le discours rapporté pour narrer la consultation en cours. Tout change dans la troisième séquence (Al-é Ahmad, 2008: 64-67): le narrateur y rapporte - du point de vue du personnage principal - les réflexions et l’introspection de ce dernier, dans un rapide survol sur une année d’efforts pour retrouver la santé perdue celui-ci consulte des médecins tout en procédant à l’introspection, allant du présent au passé, à son enfance et retournant au présent. Dans la dernière séquence (Al-é Ahmad, 2008: 67-74), nous retrouvons de nouveau la scène, c'est-àdire, des passages textuels «qui se caractérisent par une visualisation forte, accompagnée notamment des paroles des personnages et d’une abondance de détails. On a l’impression que cela se déroule sous nos yeux, en temps réel» (Reuter, 1997: 40) contrairement à la troisième et l’unique séquence dominée par le sommaire, c’està- dire, des portions de texte qui «présentent en effet une tendance au résumé et se caractérisent par une visualisation moindre» (Reuter, 1997: 40). La même prédominance existe aussi, en matière de paroles des personnages. Mise à part la troisième séquence où n’existent ni visualisation forte et détaillée, ni paroles de personnage, les trois autres séquences, qui constituent le reste de la nouvelle, sont largement dominées par le discours narrativisé: dialogue des enseignants sur le carnet d’assurance maladie dans la séquence inaugurale dialogue entre le personnage principal et le médecin durant la première consultation narrée dans la seconde séquence et dialogue des enseignants dans la séquence de clôture, sur le retrait des carnets d’assurance maladie. Ainsi, de la même façon que la scène crée l’impression d’actualiser le déroulement des faits sous nos yeux, l’usage étendu du discours narrativisé engendre - pour reprendre l’expression de Genette - la forme la plus «mimétique», «où le narrateur feint de céder littéralement la parole à son personnage». (Genette, 1972, 192) afin de rendre plus objective, plus réaliste l’histoire narrée, compte tenu de l’absence de plus en plus grande de l’informateur au profit de l’information qu’il transmet. La question qui se pose maintenant est la suivante: quelle est cette information ainsi mise en scène? En d’autres termes, qu’estce que le texte tente d’exprimer dans ce cadre spatio-temporel précis? La thématique de la nouvelle La première question porte sur le titre et ce qu’il désigne: carnet d’assurance maladie. A quoi et à qui sert-il, sinon aux malades? Parmi tous les personnages, il n’y a qu’un seul qui prétend être en bonne santé, le professeur de gymnastique: «[…] tant mieux messieurs [si on nous a retiré les carnets d’assurance]! Moi, je n’ai absolument pas besoin de consulter le médecin. […] Mon médicament, mon médecin et mon carnet d’assurance à moi, c’est la respiration matinale, Etude de la structure narratologique dans…/53 messieurs! Qu’est-ce que j’ai à faire avec les médecins et leurs ordonnances? Toutes ces magouilles, c’est pour des malades et des mourants. L’homme en bonne santé. L’enseignant de dessin lui coupant la parole: - Oui, parmi nous autres, les enseignants, c’est rare de trouver un homme en bonne santé. Vouliez-vous ajouter autre chose, monsieur ?» (Al-é Ahmad, 2008: 69). De plus, dès l’ouverture de la nouvelle, depuis la présentation des enseignants jusqu’à la fin, le texte laisse ça et là des indications qui portent sur la fragilité de leur état de santé. Ils sont fumeurs (comme les enseignants de français, de l’algèbre et de dessin) trapus et obèses (comme l’enseignant de l’histoire et l’enseignant de sharia , à tel point qu’au lieu de «s’asseoir», ce dernier ne peut que «se jeter dans un coin comme un sac de coton lourd» (Al-é Ahmad, 2008: 51) pâle et chancelant en marchant comme l’enseignant de l’algèbre dont l’apparence «donnait à penser qu’il était atteint de tuberculose» (Al-é Ahmad, 2008: 52) ou finalement de mauvaise humeur (comme l’enseignant de dessin, personnage principal) de telle sorte qu’«il semblait insulter quand il parlait» (Al-é Ahmad, 2008: 53). Nous avons ainsi, dès le départ, un tableau de personnages qui, à des degrés différents, s’éloignent de l’image d’un homme en forme comme le professeur de gymnastique. Les remarques sur le malaise physique et psychique se développent au cours du texte, et plus en détail: l’enseignant de dessin a beau chercher à en finir avec sa mauvaise humeur et l’enseignant de l’algèbre meurt de tuberculose. Le texte développe ces portraits au premier niveau de la narration: un narrateur, pour reprendre l’expression de Genette, extradiégétique (Genette, 1972: 255-256) rapporte l’histoire. Mais apparaissent très vite, dès les premières pages, d’autres narrateurs, cette fois, intradiégétiques, racontant d’autres histoires qui non seulement confirment la thématique de la nouvelle mais la ramifient de manière très significative. Les récits emboîtés et les rapports métaphoriques Dès l’annonce de la remise des carnets d’assurance, au début de la nouvelle, les enseignants s’interrogent sur son utilité. Pour l’enseignant de l’algèbre (Al-é Ahmad, 2008: 55), il est utile pour soigner la tuberculose (puisqu’il en est atteint luimême). Mais, l’enseignant de dessin, très agressif, et comme toujours de mauvaise humeur, tranche dès le début, estimant que le carnet d’assurance maladie ne peut être utile que contre l’abrutissement. Cette intervention est suivie de deux récits introduits par l’enseignant de français dans la première séquence: il se souvient d’abord d’un collègue, enseignant de mathématiques devenu fou et qui a cessé d’enseigner il y a vingt ans (Al-é Ahmad, 2008: 54) il a connu ensuite, depuis trente ans de carrière, quatre autres collègues qui ont sombré dans la folie. Dans la deuxième séquence, deux autres récits sont intercalés dans la narration: pour donner au médecin un exemple de sa nervosité, l’enseignant de dessin rapporte que l’an précédent, un jour pendant un cours, dans une crise de colère contre un élève, il s’est mis à le battre avec tant d’exaspération qu’à la fin lui-même il a perdu connaissance. (Al-é Ahmad, 2008: 62) Dans la troisième séquence consacrée à l’introspection du personnage principal, ce dernier se souvient (Al-é Ahmad, 2008: 65-66) d’un incident d’enfance: écolier, il 54/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 fut emmené de force, par sa mère, chez un médecin. Celui-ci, un vieux grincheux, n’arrêtait pas d’insulter et de gueuler. Une fois sorti, alors que sa mère le laisse seul pour aller chez le pharmacien, il fait la fugue et se cache quelque part dans le bazar. Le soir venu, on le retrouve, le prend pour voleur, le bat et on le jette dehors. Fatigué et affamé, il cherche refuge chez sa tante qui – informée de sa fugue depuis la matinée – le ramène chez lui, auprès de sa mère. Fâchée contre lui, sa mère le bat, au sous-sol, avec des rameaux humides, le laisse y passer la nuit sans lui donner à manger. Le matin, elle le force à prendre ses médicaments, le battant de nouveau. Ces quatre récits emboîtés sont suffisamment révélateurs: les deux premiers servent à confirmer l’opinion de l’enseignant de dessin, à savoir la maladie qui menace les enseignants est la folie les deux derniers récits décrivent respectivement l’intensité de sa nervosité et la cause originelle de son horreur des médecins. Le rapport qu’entretiennent ces récits emboîtés avec le récit-cadre peut se concevoir comme des comparaisons. Les deux premiers récits confirment en effet, qu’on peut devenir fou à la fin de sa carrière d’enseignant comme les cas cités par l’enseignant de français le troisième et le quatrième démontrent que l’enseignant de dessin peut être brutal avec les écoliers tout comme lui-même lorsqu’il était écolier. Finalement, il ne peut avoir de la sympathie pour les médecins, désagréables, comme le vieux médecin qu’il a connu quand il était enfant. La conjonction «comme» nous sert ici de support pour greffer les événements du récit enchâssé sur ceux du récit enchâssant. Autrement dit, le rapport qu’entretiennent ces récits est d’ordre métaphorique: «la métaphore est une figure qui, contrairement à la comparaison, ne recourt à aucun mot spécifique (comme, ainsi que, pareil à …) pour signaler sa présence.» (Bacry, 1992, 40). Sous cet angle, l’ensemble des faits textuels que nous venons de dégager jusqu’ici, s’inscrivent dans un réseau de métaphore et de métonymie. L’analyse de l’organisation spatiotemporelle que nous avons réalisée au début de l’article, et la prise en compte des lieux évoqués dans les récits emboîtés, ont mis en évidence que le texte évoque des lieux qui, selon l’extension textuelle consacrée à chacun, sont: l’école, le cabinet du médecin et la maison d’enfance. Parmi ces trois éléments textuels, et compte tenu de la thématique de l’ensemble, l’école et la maison se trouvent dans un rapport métaphorique. Avant d’évoquer ce rapport, notons que «la métaphore est, soit l’affectation d’un signifiant à un signifié secondaire, soit le rapprochement de deux ou plusieurs signifiants, les signifiés étant dans les deux cas associés par ressemblance, contiguïté, inclusion» (Caminade, 1970: 135). Ainsi, l’école et la maison représentent: D’abord, les premiers lieux du développement physique, psychique et intellectuel de tout enfant écolier Ensuite, le point de départ de l’enfant écolier d’où il doit à un certain moment sortir épanoui et indépendant Et enfin, un lieu de protection (de l’enfant écolier) et un lieu de contrôle et de surveillance. Or, dans cette nouvelle, ces deux lieux de développement n’ont rien à voir ni avec l’épanouissement ni avec la protection: la mère brutalise et maltraite l’enfant l’enseignant, névrosé, brutal, Etude de la structure narratologique dans…/55 agressif, bat les enfants dans un état hystérique à perdre connaissance et les enfants eux, font de même: «l’enseignant de français n’avait pas encore terminé sa phrase que la porte s’est ouverte et un écolier s’est précipité, terrorisé et haletant: «Monsieur le surveillant! Ahamadi veut me battre!» (Al-é Ahmad, 2008: 68). La terreur et la brutalité vécues dans le passé (enfance/maison/mère) n’ont pas disparu. La présence de la photo du roi, accrochée en haut du bureau du surveillant dans la salle de ré:::union:::, en uniforme militaire, ne suggère-t-elle pas, dans un rapport métonymique, une présence brutale, terrorisante, qui surveille comme le regard du Big Brother de G. Orwell, dans 1984? Surtout que, justement, «tout autour du plafond de la salle est couvert de fils sales d’électricité, de téléphone et d’alarme» (Al-é Ahmad, 2008: 51)! Que peut-il être plus inhibant au développement qu’une surveillance militaire? Et paradoxalement, dans un lieu de culture! «Moi par exemple, pourquoi aije laissé tomber ma spécialité [la physique] et suis devenu l’enseignant de dessin? Oui, pourquoi? Parce qu’inculquer pendant cinq ou sept ans les mêmes choses […] et abandonner à jamais toute discussion et lecture […], ça rend fou ou abruti» (Al-é Ahmad, 2008: 55). L’«enseignant» est «celui qui enseigne». Lui interdire toute lecture et toute discussion en lui laissant croire qu’il est surveillé, n’est-ce pas le condamner à la répétition des mêmes choses, à la stagnation, à l’aliénation, à l’abrutissement? Et n’est-ce pas la mort, pour un enseignant, que de lui faire perdre ses facultés intellectuelles? C’est ce qui arrive aux enseignants cités dans la nouvelle et les récits emboîtés: la mort physique pour l’enseignant de l’algèbre, la mort intellectuelle pour les cinq autres sombrés dans la folie et l’angoisse de l’enseignant de dessin de retrouver la même fin. Et quelle sera la société de demain, et quel sera le sort des enfants éduqués par des abrutis? Comment y remédier? «Et bien, mes félicitations, messieurs! Aujourd’hui on va nous remettre des carnets d’assurance maladie.» (Al-é Ahmad, 2008: 52). Voila ce qui fait déclencher l’action du protagoniste, mais en vain. Ce carnet d’assurance maladie, métaphore d’une tentative de réforme aboutit à l’échec total: l’enseignant de dessin «est maintenant arrivé au désespoir» (Al-é Ahmad, 2008: 67) l’enseignant de l’algèbre «est mort» (Al-é Ahmad, 2008: 74) et les carnets d’assurance sont retirés. «[…] Oui, mon cher. C’est ce genre de désordres qui rend les gens désespérés. Mais pourquoi faut-il lancer cette histoire de carnet d’assurance s’ils sont obligés de le retirer au bout d’un an? Et ça, avec un tel scandale?» (Al-é Ahmad, 2008: 74). Distribuer des carnets d’assurance maladie pour remédier à ce qui ne va pas dans le cadre des enseignants, s’avère donc la métaphore d’une tentative de réparation culturelle: empêcher que toute une culture ne sombre dans l’abroutissement, la folie ou même la mort. Cet échec, lui-aussi, est significatif dans cette texture métaphorique de la nouvelle: «L’enseignant de dessin, tout en écoutant le médecin, en riait dans ses pensées: si ce n’était que ça, pourquoi je suis venu te voir, toi? Ma femme s’y connaît mieux que toi alors» (Al-é Ahmad, 2008: 64). Autant les prescriptions de médicaments, et les conseils du médecin sur le régime alimentaire sont inappropriés, donc inefficaces, à la névrose du personnage 56/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 principal, autant distribuer des carnets d’assurance maladie pour remédier à un malaise d’ordre social et culturel, ne aboutirait à rien d’où le retrait des carnets d’assurance, métaphore de l’échec de cette tentative de réforme. Conclusion L’analyse de la nouvelle nous a révélé comment la fonction structurelle du récit constitue un discours référentiel d'ordre social. Les premiers indices situant l’histoire narrée dans un cadre spatiotemporel précis, permettent au lecteur de se représenter le contexte dominant l’histoire. La segmentation du texte en séquences bien délimitées marque les différentes étapes de l’action engagée: mise en place du décor et des personnages en manque de santé, quête du protagoniste pour retrouver l’équilibre, réflexion et constat de l’échec. L’organisation narrative participe pour beaucoup à l’adhésion du lecteur à ce qui est narré. La présence des récits emboîtés mène à la découverte du réseau métaphorique qui sous-tend l’histoire racontée au premier niveau: ils laissent entendre des critiques d'ordre social que l’auteur n’aurait pas pu exprimer autrement, vu la situation sociopolitique de l’époque. Bibliographie Adam, J.-M. (1994). Le Texte narratif, Traité d'analyse pragmatique et textuelle. Paris: Nathan. Al-é Ahmad, J. (2008). Une femme de trop ( زن زیادی ). Téhéran: Adine sabz. Azhand, Y. (1984). La littérature moderne de l'Iran ادبیات نوین ایران) ). Téhéran: Amir kabir. Bacry, P. (1992). Les figures de style. Paris: Belin. Caminade, P. (1970). Image et métaphore, Un problème de poétique contemporaine. Paris: Borda. Dehbāshi, A. (1985). Mémorial de Jalāl Al-é Ahmad ( یادنامه جلال آل احمد ). Téhéran: Passargad. Genette, G. (1972). Figure III. Paris: Seuil. Kasmāï, A.A. (1984). Les écrivains précurseurs dans la littérature d'aujourd'hui de l'Iran .(نویسندگان پیشگام در داستان نویسی امروز ایران) Téhéran: Sherkate Mo'alefān va motarjemine iran. Pirouz, Gh. (1993). Recherche dans les oeuvres, les pensées et le style de Jalāl Al-é Ahmad ( کاوشی در آثار، افکار و نوشتار جلال آل احمد ). Téhéran: Hozeye honary. Reuter, Y. (1997). L'analyse du récit. Paris: Dunod. Ricoeur, P. (1986). Du texte à l'action. Essais d'herméneutique. Paris: Seuil Étude du portfolio de la production orale des apprenants iraniens du FLE (De l’évaluation formative à l’autoévaluation) Rahmatian, Rouhollah Maître de conférence, Université Tarbiat Modaress, Téréran, Iran [email protected] Mehrabi, Marzieh Doctrante en Didactique du FLE, Tarbiat Modaress, , Téréran, Iran [email protected] Kahnemouipour, Jaleh Professeur émérite,Université de Téhéran, Téréran, Iran [email protected] Reçu: 16.2.2013 Accepté: 14.8.2013 Résumé De nos jours, les didacticiens sont communément d'accord sur le fait que l'évaluation doit être considérée comme faisant partie intégrante du processus d’enseignement/apprentissage des langues et qu'elle doit être effectuée par le biais de différents outils plus compatibles du genre portfolio. Cette recherche s'est fixée comme objectif d'examiner l'applicabilité et l'efficacité du portfolio de la production orale dans une classe du FLE en Iran. Plus précisément, les composantes de la compétence orale à savoir le degré du développement de la grammaire, de la prononciation et de l’intonation, de la fluidité de l’expression, de la compétence discursive et de l’interaction entre les apprenants ont été analysées. Après avoir déterminé le cadre théorique du sujet et en avoir fait une synthèse, les résultats de l’étude de terrain ont accompagné les études théoriques. Le corpus de cet article a été constitué de 11 apprenants adultes du FLE du niveau B1. D’après cette enquête, les apprenants ont fait des progrès, à l’aide de cette démarche, dans tous les items déterminés de la production orale et ont pu développer leur capacité de l’autoévaluation. Mots clés: évaluation, portfolio, production orale, apprenants iraniens. Introduction L’évaluation est considérée en tant que partie intégrante du processus d’enseignement/ apprentissage des langues aussi son importance paraît-elle indéniable. Elle a bénéficié de statuts variables quant à la place et au rôle qui lui ont été attribués par l’intermédiaire des différents outils. Une interrogation cruciale se lève alors: comment peut-on améliorer la démarche de l’évaluation dans l’enseignement /apprentissage du FLE? L’un des outils efficaces en évaluation se présente sous forme de la démarche portfolio. Ainsi donc, dans le cadre du présent article, nous tenterons d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes: 1. Comment peut-on intégrer le portfolio à une classe de langue en Iran en tant qu’outil d’évaluation? 2. Dans quelle mesure une démarche de portfolio peut-elle aboutir au développement 58/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 de la production orale des apprenants iraniens du FLE? L’objectif de cette recherche consiste en un examen de l’applicabilité et de l’efficacité du portfolio dans une classe du FLE en Iran. Bien que depuis une dizaine d’années, la didactique des langues étrangères s’intéresse, de manière générale, à la question d’évaluation et aux outils afin d’effectuer une évaluation authentique et objective, le domaine a souvent été délaissé en milieu institutionnel. En outre, à notre connaissance, aucune étude ne porte à ce jour sur l’évaluation formative à l’aide de la démarche portfolio oral en classe du FLE en Iran. Dans notre pays, une telle démarche est souvent ignorée, alors qu’elle recèle de nombreux avantages dans le processus d’évaluation. Même si notre propos concerne essentiellement la production orale, il faut souligner que la valorisation de cette dernière ne signifie nullement qu’il faille négliger la compétence écrite. Le portfolio, ses composantes, ses fonctions Pour commencer, on peut faire un bref rappel du concept «portfolio», terme emprunté à l’anglais, équivalent du portefeuille en français et de son historique. Tout un chacun peut posséder un portfolio: un architecte, un artiste, un ingénieur, etc. Dans ce sens, cette notion renvoie à une collection de réalisation et de savoir-faire professionnels susceptible d’ être traduit par «dossier de présentation» (Scallon, 2004: 293). Le portfolio permet, en effet, de démontrer les capacités et de décrire les prérecquis. Il se considérerait alors comme une description du portrait de l’accomplissement d’une personne. De 1992 à 1997, le concept du Portfolio Européen des Langues (PEL) a été maturé chez les spécialistes de l’enseignement/ apprentissage. En 1998, les premiers projets pilotes ont été menés et ce n’est qu’en 2001 que 2 portfolios ont été validés en Belgique, parallèlement à la publication du CECRL (Little, 2008: 9). Il existe désormais, une centaine de portfolios validés par le Conseil de l’Europe. Le PEL, de ce point de vue, se présente comme un document dans lequel toute personne apprenant ou ayant appris une langue peut consigner ses connaissances linguistiques et ses expériences culturelles, ce qui peut l'inciter à réfléchir sur son processus d’apprentissage (Bertocchini, Costanzo, 2008: 88). D’après Rosen et Reinhardt (2010: 75), le PEL accompagne un individu tout au long de sa vie et fonctionne comme un véritable passeport linguistique enregistrant toutes les expériences faites dans les langues – cultures différentes. Le PEL se répartit en trois composantes: • un passeport de langues indiquant brièvement l’identité linguistique et culturelle du titulaire • une biographie linguistique dans laquelle la personne concernée décrit son expérience d’apprentissage et d’utilisation d’une seconde langue ou des langues vivantes en général, ainsi que sa rencontre avec d’autres cultures • un dossier témoignant la compétence linguistique et interculturelle de l’intéressé (e) (Castellotti, 2011: 70). On travaille, dans une classe de langue, plutôt sur le dossier. L’introduction d’un Étude du portfolio de la production orale …/59 portfolio en classe se ferait pourtant, selon les cultures et les habitudes des actants du processus d’enseignement/ apprentissage. Le portfolio, selon Cuq (2003: 197), manifeste de façon positive les acquis de nature diverse dont l’apprenant peut faire état à un point donné de son apprentissage. Il se présente comme une collection de pièces de travail de l’apprenant basé sur objectif. Il est alors suivi de la rétroaction de la part de l’enseignant ou d’un autre apprenant. Ainsi donc, selon Molinié (2011), il est préconisé car il peut engendrer des démarches constructivistes de réflexion et de co- production. Dans le cadre de l’apprentissage des langues, ce terme réfère donc, à un ensemble systématique, réfléchi et organisé de travaux de l’apprenant qui sert de base à évaluation. Le portfolio est loin d’être défini de manière unique chez les spécialistes: il existe des confusions associées à ce terme à cause des terminologies différentes. Ainsi, Simon et Forgette-Giroux (1998: 86) proposent le terme «dossier d’apprentissage». Ce dernier est défini selon ces auteurs en tant que recueil continu et systématique d’une variété de données témoignant du progrès de l’apprenant par rapport à la maîtrise d’une compétence jugé à partir d’une échelle descriptive. Afin de clarifier les terminologies courantes dans ce domaine, nous pouvons dire qu’il existe de différents types de portfolio selon le contenu: - Dossier d’apprentissage en tant que collections de tous les travaux accompagnés de réflexions, indique le progrès de l’apprenant - Dossier de présentation consiste à la sélection des travaux par l’apprenant ou les meilleurs exemples de ses productions accompagnés de la justification de celui-ci pour le choix des documents - Dossier d’évaluation contient des choix de documents imposés aux apprenants sous forme d’une évaluation sommative. L’apprenant est moins impliqué avec cette démarche, dans son processus d’apprentissage par rapport aux démarches précédentes. Deux fonctions majeures sont attribuées au portfolio dans le cadre d’enseignement/ apprentissage des langues: ‐ Une fonction informative pour l’enseignant, dans le suivi de l’apprenant et /ou en cas de changement de cours et pour l’apprenant afin d’auto-évaluation ‐ Une fonction pédagogique où l’évaluation participative joue un rôle de prise de conscience des critères pertinents d’apprentissage et de valorisation des savoirs et savoir-faire de l’apprenant. De ces deux fonctions se dégagent les avantages du portfolio pour l’apprenant: ‐ Archiver ses productions ‐ Concrétiser et visualiser ses progrès ‐ Parvenir à un apprentissage réfléchi (Kay Jensen & Harris, 1999: 212) par l’activation de la métacognition ‐ Développer son autonomie ‐ Développer sa motivation. L’évaluation formative dans une classe du FLE par le moyen du portfolio Avec la publication du CECRL et le PEL, on assiste à une renaissance de l’évaluation s’engageant dans une démarche qualitative (Springer, 2002: 61). Plus précisément, on 60/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 se penche sur l’évaluation formative et non sur l’évaluation quantitative (par la notation) et sommative. Dans la plupart des instituts du FLE en Iran, soit il existe une banque de questions dont les enseignants se servent pour les examens finaux, soit il est à l’enseignant de préparer et de construire les questions d’examens. L’étude de la démarche de l’évaluation des enseignants dépasse le cadre de la présente recherche et peut être discutée de plusieurs points de vue. L’évaluation est entendue, selon le CECRL (2005: 138), dans le sens de la mise en oeuvre de la compétence de la langue. Certains enseignants considèrent l’évaluation comme extérieure à l’enseignement. Elle aura par conséquent, lieu à des moments précis et aboutit à des décisions ou à une notation à la fin du semestre il s’agit alors d’une évaluation sommative. Tandis que le contrôle continu suppose que l’évaluation soit intégrée dans l’enseignement, le contrôle continu ou l’évaluation formative permet de recueillir des informations sur les points forts et les points faibles des apprenants. Tagliante (2005: 29) est d’avis que l’évaluation formative est un appui pour l’enseignant et l’apprenant. Elle ne sera plus une sanction, mais un moyen efficace à la construction de l’apprentissage. Dans cette optique, elle se présente comme une réflexion sur les différents processus d’acquisition des apprenants. Ainsi, le progrès de l’apprenant sera évalué par rapport à son propre rythme d’apprentissage et non pas en comparaison avec des autres apprenants. De l’évaluation formative à l’autoévaluation chez les apprenants iraniens du FLE Concernant le but de l’évaluation formative, nous nous sommes bornés à nous renseigner sur le progrès des apprenants en production orale et de pousser les apprenants à l’autonomie en évaluation. Le portfolio, le moyen approprié et l’image de la compétence des apprenants ont aidé à estimer l’écart entre leur production orale du passé et celle du futur attendue. Le portfolio a servi alors comme un moyen de réflexion sur leurs points forts et leurs points faibles. C’est pourquoi, au lieu d’évaluer le produit final, nous avons procédé à l’évaluation du progrès des apprenants. Bien qu'il existe de nombreux arguments en faveur des avantages pédagogiques de l’évaluation par les pairs et de l’autoévaluation, en tant que deux types d’évaluation formative, elles ne sont pas suffisamment pratiques dans les milieux éducatifs en Iran. Ceci est principalement dû au fait que les enseignants ne font pas confiance à la fiabilité des évaluations des apprenants. Néanmoins, d’après l’étude menée par Birjandi et Siyyari (2010), l'autoévaluation et l’évaluation par les pairs sont en effet efficaces dans l'amélioration de la compétence écrite des apprenants iraniens de l’anglais. Selon eux, les apprenants à tous les niveaux de langue pourront être évaluateurs fiables de leur compétence écrite et celle de leurs pairs, s’il y a suffisamment de formation et de pratique. Partant de ce principe, nous avons tenté d’appliquer cette démarche pour l’évaluation de la compétence orale des apprenants iraniens du FLE. Étude du portfolio de la production orale …/61 Étude sur corpus La présentation du corpus et de la méthodologie Notre corpus a été constitué de 11 apprenants adultes du FLE du niveau B1 d’un institut de langue à Téhéran. Adoptant une démarche réfléchie, nous avons visé les aider à surmonter leurs points faibles lors de la production orale en continue et de mettre en évidence pour eux la manière de rassembler et de présenter les justificatifs de ce qu’ils ont appris. Nous avons réuni le portfolio d’apprentissage de la production orale des apprenants pendant 6 semaines dans les cours intensifs à raison de 9 heures par semaines. Chacun d’eux avait 3 sujets à présenter dans la classe. Ils étaient censés parler en continu ou présenter un exposé sur un sujet. Après la présentation, ils ont été engagés dans une interaction avec les autres apprenants et l’enseignant, aboutissant à une discussion sur le sujet choisi. Toutes les productions ont été enregistrées afin d’être analysées dans la phase de la correction. Le portfolio comprenait trois types d’éléments : la production orale concrète des apprenants, les commentaires libres (sans être imposés de la part de l’enseignant) des autres apprenants et les réflexions de l’apprenant lui-même sur sa propre production. Les sujets présentés par les apprenants concernaient le sport, l’immigration, le bonheur, la mort, la nationalité, etc. S’inspirant de différentes grilles d’évaluation (Rahmatian, Mehrabi, 2010, Tagliante, 2005) la grille suivante a été conçue et servie de base à l’évaluation de la production orale de notre corpus: Compétence linguistique Compétence discursive Compétence interactionnelle Compétence grammaticale Prononciation et intonation Fluidité de l’expression Cohésion et cohérence Interaction entre les apprenants Incorrect Correct Incorrect Correct Remarque: Remarque: Remarque: Tableau 1: Grille d’évaluation des éléments linguistiques Selon le Référentiel du CECRL (2008: 75), un apprenant du niveau B1 est supposé posséder les savoir-faire ci-dessous en expression orale: - Raconter un événement, une expérience ou un rêve, une histoire, etc. - Faire une description simple - Rapporter une histoire - Mettre en relation de manière détaillée ses expériences en décrivant ses sentiments et ses réactions - Décrire un espoir et un but - Exposer brièvement les raisons et les explications de ses opinions, projets et actions - Développer une argumentation. 62/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 L’évaluation des items de la grille s’est basée alors sur ledit ouvrage. Pour chaque item, les fautes adaptées au niveau B1 ont été relevées. Ce que nous entendons par la compétence grammaticale, c’est la mise en application des règles morphologiques et syntaxiques. Il est à remarquer que les bafouillages, les mots parasites comme «euh», «ben», «bon», les pauses plus ou moins longues feront perdre des points pour le degré de la fluidité en expression. L’évaluation de la compétence discursive (cohésion et la cohérence) s’est effectuée à partir du plan de l’exposé, c’est-à-dire de l’introduction, du corps du texte, de la conclusion, de l’emploi des transitions, du développement des idées et des exemples correspondants. L’interaction de chaque présentateur a été évaluée suivant son écoute, la nécessité de la reformulation de ses énoncés au cas où les auditeurs la demanderaient et la réponse donnée aux questions posées. Afin d’avoir des résultats fiables, les enregistrements ont été transcrits selon la Convention ICOR (2007). Nous ne nous sommes pas focalisé sur les éléments translinguistiques dans la présente recherche, les apprenants se sont quandmême sensibilisés à s’évaluer grâce à la grille suivante: Les critères translinguisitques/ Appréciations Exposé 1 Exposé 2 Exposé 3 La variation des gestes et les déplacements Acquis À renforcer Non acquis Acquis À renforcer Non acquis Acquis À renforcer Non acquis Le regard sur les auditeurs La qualité de la voix (articulée et forte) L’adaptation du débit La compatibilité des gestes avec la parole La pertinence des supports Tableau 2: Grille d’évaluation des éléments translinguistiques Nous réalisons que dans l’évaluation des exposés pour les niveaux avancés et dans les milieux académiques, la préparation générale, la maîtrise du sujet, la capacité d’analyse, la justesse et la pertinence des informations et des argumentations, etc. seront également pris en compte. Mais dans cette recherche, vu notre objectif, on s’est concentré plutôt sur les éléments linguistiques que translinguistiques pour évaluer la production orale des apprenants. Le procédé de correction réalisé Ce qui est important dans une démarche par portfolio est le procédé de correction. La Étude du portfolio de la production orale …/63 coévaluation et l’autoévaluation sont considérées comme deux pratiques indissociables liées à celui-ci (Dore et al, 2002). Nous avons alors opté pour une approche réfléchie dans le processus de correction. Le schéma des phases de la correction dans cette recherche peut se résumer de manière suivante: Pour être clair, la correction comporte 4 phases: - Dans la première phase, l’enseignant corrige la production orale des apprenants, selon la grille présentée ci-dessus en leur expliquant les manques et en partageant les corrections avec eux - Dans la deuxième phase, la grille est photocopiée et mise à la disposition des apprenants afin de pouvoir évaluer un des enregistrements dans la classe collectivement. Les apprenants, à ce stade sont censés écouter le présentateur lors de l’exposé. Si l’on procédait à la correction de la production orale parallèlement à la présentation, on risquerait de perdre le plaisir de suivre le présentateur et de diminuer la fiabilité de l’évaluation. Étant donné que l’encodage oral se réalise généralement en même temps que sa production, l’évaluation de la production orale pour les auditeurs paraîtra difficile - Dans la troisième phase, l’enregistrement de l’apprenant A est transmis à l’apprenant B et ainsi de suite, suivant la même démarche expliquée. Du fait que la correction de l’apprenant par son voisin ne donne pas suffisamment de dynamisme et de l’exactitude, le choix de la distribution de la production de chaque apprenant était à l’enseignant. Ceci en fonction de la connaissance de l’enseignant du profil des apprenants. - Dans la phase ultime, l’apprenant est censé corriger son propre enregistrement. Mais dans ce procédé, la démarche de l’enseignant joue un rôle primordial car, il doit savoir retarder ses remarques et inciter les apprenants à corriger les autres et à l’autocorrection (Vallat, 2011: 199). Les résultats de l’étude du terrain Afin d’analyser les données, le logiciel SPSS a été utilisé. Pour mesurer le degré du progrès des apprenants avec la démarche portfolio, le H1 (hypothèse de la recherche) présuppose que par une démarche de portfolio, les apprenants auraient des progrès en production orale. Afin d’examiner le H1, on a procédé au Test T pour échantillons appariés (Paired samples T Test) de ce logiciel, dont les résultats sont indiqués dans le tableau cidessous. Vu le degré de la signification moins de 0.5 (sig. ˂0.5), le H1 concernant l’effet positif du portfolio sur le développement de la production orale est confirmé. Correction par l’enseignant Co-correction par le groupe de la classe Correction des paires par les partenaires Auto-correction par l’apprenant lui-même 64/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Paired Samples Correlations N Correlation Sig. Pair 1 Compétence grammaticale, exposé 1 & exposé 2 11 .900 .000 Pair 2 Compétence grammaticale, exposé 2 & exposé 3 11 .617 .043 Pair 3 Prononciation et intonation, exposé 1 & exposé 2 11 .984 .000 Pair 4 Prononciation et intonation, exposé 2 & exposé 3 11 .973 .000 Pair 5 Fluidité, exposé1 & exposé 2 11 .879 .000 Pair 6 Fluidité, exposé2 & exposé 3 11 .922 .000 Pair 7 cohésion et cohérence, exposé 1 & exposé 2 11 .667 .025 Pair 8 cohésion et cohérence, exposé 2 & exposé 3 11 .692 .018 Pair 9 Interaction, exposé 1 & 2 11 .931 .000 Pair 10 Interaction, exposé 2 & 3 11 .878 .000 Tableau 3: Les résultats du Test T pour échantillons appariés Le progrès de chaque apprenant a été évalué du premier exposé au troisième, par rapport à lui-même. Les résultats montrent le progrès dans tous les éléments examinés après la correction successive. Tous les apprenants ont progressé dans tous les items déjà mentionnés. Ainsi donc, le H1 a été approuvée. Nous avons pourtant choisi le diagramme qui nous a paru le plus significatif parmi d’autres. Le diagramme suivant montrant la fréquence descendante des fautes, nous a révélé qu’il a y moins d’erreurs en passant de l’exposé 1 à l’exposé 3. Diagramme 1 : Le progrès de la compétence grammaticle en fonction des fautes corrigées Partant de cette réalité que mesurer et analyser la production orale des apprenants d’une langue étrangère exigent souvent des moyens très sophistiqués, ponctuels et réalisables en laboratoires tels les Étude du portfolio de la production orale …/65 laboratoires phonétiques, nous ne pouvons en aucun cas prétendre présenter une analyse très rigoureuse même si les enregistrements avec des moyens actuels et leur analyse sur des logiciels standard faisait partie de notre démarche. Ainsi, nous nous sommes basés sur ce dont nous disposions en Iran, nous nous sommes alors contentés des facteurs essentiellement observables pour nous en tant que chercheurs-enseignants. Ce qui est à considérer dans ces observations, c’est qu’il y a une logique successive sur le plan des résultats observés. De ce fait, nous sommes témoins d’une progression attendue grâce à quoi notre hypothèse avait été confirmée (les apprenants numéro 1, 2, 3, 4, 5 et 11) et que celle-ci résulte d’une correction significative dans l’ordre ascendant du niveau de langue. Le diagramme qui est un relevé de l’évolution de la correction des élèves par eux-mêmes, nous approuve l’idée que plus nous laissons cette auto-correction et le contrôle de l’évolution à l’apprenant luimême, plus l’écart entre le premier test et le troisième sera significatif. Ce qui est notamment observé chez les apprenants numéro 7, 8, 3 et 5. Le diagramme nous montre également un autre phénomène: dans certains cas, la progression entre l’exposé 2 et 3 reste au même niveau. Ceci dit, l’apprenant avait eu sa progression dans la première étape, mais du passage du deuxième au troisième exposé, cette progression n’a pas été observée (le cas des apprenants 9 et 10). L’observation encore plus détaillée sur le diagramme, nous révéle que nous avons également un cas inverse, c'est-à-dire, le cas où non seulement la progression n’a pas été observée, mais qu'au contraire nous sommes face à une régression du résultat après la correction (le cas de l’informant 6). Ce résultat peut être interprété du fait du manque de motivation dans la démarche de l’apprentissage pour ce cas précis. Le résultat final en fonction de notre hypothèse de départ reste toujours valable, ce qui nous montrent qu’ils ont réussi à se corriger et ont pu développer leur capacité de s’auto-évaluer. Notons encore que les auto-évaluations des apprenants s’effectuaient sous le contrôle de l’enseignant afin de s’assurer de l’exactitude et des résultats obtenus. Conclusion Nous avons expliqué, dans la présente investigation, la manière d’appliquer une démarche portfolio dans une classe du FLE en Iran. Il y a, certainement des difficultés d’implanter cet outil en classe du FLE en Iran, car elle peut entrainer un surcroît de travail aussi bien chez l’enseignant que chez les apprenants. Les contraintes temporelles et institutionnelles empêchent parfois les enseignants de le tenter et de s’y engager. En effet, grâce à cette démarche en tant qu’appui à développer la capacité d’autoévaluation, les apprenants ont été incités à réfléchir sur la langue et à alimenter de multiples façons les réflexions sur leur apprentissage. Ils ont été encouragés à démontrer leur talent et à développer leur capacité concrètement. Par le biais d’argumentation et de justification du choix du sujet ainsi que les commentaires de la part des apprenants, une pensée critique se développerait chez eux. 66/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Par l’intermédiaire de cette démarche, beaucoup de dimensions à savoir la dimension comportementale, cognitive, métacognitive et affective entrent en jeu. Tout ceci favorise par conséquent, l’apprentissage. Ainsi donc, dans cette optique, le développement de la compétence en acte des apprenants, dans son dynamisme pourrait bien se concrétiser. On peut donc se servir des fautes des apprenants comme moyen de dynamisme d’auto- correction. Celle-ci se mettra progressivement en place par les apprenants eux-mêmes, ils se rapprochent en conséquence du niveau optimal. Le champ de recherche dans ce domaine reste encore à explorer: l’étude du portfolio dans d’autres compétences ainsi que le portfolio de l’enseignant pourront être le sujet des recherches ultérieures. Bibliographie Bertocchini, P. & Costanzo, E. (2008). Manuel de formation pratique pour le professeur du FLE. Paris: Clé-international. Birjandi, P. & Siyyari, M. (2010). Self-assessment and peer-assessment: A comparative study of their effect on writing performance and rating accuracy., Iranian Journal of Applied Linguistics, 13: 23-45. Castellotti, V. (2011). Favoriser une conscience et une compétence plurilingue au Japon grâce à une démarche portfolio. Le français dans le monde, Recherche et application.50: Juillet 2011. Chauvet, A.& Normand, I. & Erlich, S. (2008). Référentiel pour le cadre européen commun. Paris: Clé-international. Conseil de l’Europe. (2005). Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer. Paris: Didier. Cuq, J.-P. (2003). Dictionnaire de didactique du français. Paris: Clé- international. Dore, L. & Michaud, N. & Mukarugagi, L. (2002). Le portfolio, évaluer pour apprendre. Montréal: Chenelière Éducation. Forgette-Giroux, R. & Simon, M. (1998). L’application du dossier d’apprentissage à l’université. Mesure et évaluation en éducation, 20/3: 85-103. Key Jensen, K. & Harris, V. (1999). The public speaking portfolio. Communication Education, 48/3: 211-227. Little, D. & al. (2008). Préparer les enseignants à l'utilisation du Portfolio européen des langues - arguments, matériels et ressources. Strasbourg: Les Éditions du Conseil de l’Europe. Molinie, M. (2011). Développer une ingénierie interculturelle en mobilité internationale: objets de recherche et objectifs pour l’action. Démarches portfolio en didactique des langues et des cultures. Enjeux de formation par la recherche action. Cergy-Pontoise: Centre de Recherche Textes et Francophonies. Rahmatian, R. & Mehrabi, M. (2010). Évaluation de la communication écrite des apprenants iraniens. Le français et la diversité francophone en Asie- Pacifique. Actes du congrès. Rosen, É. & Reinhardt (2010). Claus, Le point sur le Cadre européen commun de référence pour les langues. Paris: Clé-international. Saint-Pierre, L. (2004). L’habileté d’autoévaluation: pourquoi et comment la développer? Pédagogie collégiale,18/1. Scallon, G. (2004). L’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences. Bruxelles: De Boeck. Springer, C. (2002). Recherche sur l’évaluation en L2: de quelques avatars de la notion de compétence. La notion de compétence en langue. Lyon, ENS Édition. Tagliante, C. (2005). L’évaluation et le Cadre européen commun. Paris: Clé-international. Vallat, C. (2011). Étayage, stratégie d’aide à la compréhension et à la production orales en classe de français langue étrangère (FLE) en milieu universitaire chinois. Synergie Chine, 6. Abstract Ecofictional Dynamic of the novella "Fragment of the book of the sea" of Roland Wagner Esfandi, Esfandiar Assistant Professor, University of Tehran, Tehran, Iran [email protected] Received: 12.3.2013 Accepted: 11.6.2013 The "Eco-fictions" refer to the narrative objects (filmic or textual) which originate from the current "system of meditation" of the "environmental thesis" The Wagner's novella, in this case, illustrates efficiently the part taken by the author of the Odyssey of Species in the ecoenvironmentalist spirit. Although no innovations are found in this story, its value resides in the manner in which it exemplifies the tracks left by a paradigm rich in collective stakes of the author's cultural imagination. The "Fragment of the book of the sea" is a history ingenuously narrated, open to the past by its marvelous character, and turned to the future of which it draws up a timid inventory of fixtures. In the present study, I will deal with the general esthetic of novella by the focus on the analysis of the syllabic and the generic structure and declension of the subsequent thematic pieces. The aim is to indicate the contextual and ideological foundations in which the eco-fictional thematic is formed. These thematic issues have irrigated authors' consciences and imaginations since postindustrial origins. Key words: Roland Wagner, eco-fiction, science-fiction, environment, techno-science, New Age 68/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Negation as a process of signification in literary discourse Kariminejad, Somayeh Postgraduate Student in Teaching FFL, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Shairi, Hamid Reza Associate Professor, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Safa, Parivash Assistant Professor, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Nabavi, Lotfollah Assistant Professor, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Received: 5.2.2013 Accepted: 21.5.2013 Negation has long been the subject of study in different fields, especially philosophy, logic and specifically linguistics. Semiotics, as a general thought and as a branch of science connected to the area of semantics, relates negation to signification. If there appears positivity from the signification process, then the primary mutation has occurred by the help of a negative source. A wide variety of theories and approaches has so far been proposing with regard to negation these differences are justifiable for the complexity of negation itself. The present work is an attempt to show that the development of a discourse in fact implies the emergence of relativity. In other words, from the viewpoint of semiotics, negativity is an inevitable part in the process of signification through enaction of negation on the sense and formless meaning, on the one hand, and by implementation of negation on the first difference, on the other, which in turn causes the emergence of signification. Therefore, this paper tries to examine the notion of negation and its role in the analysis of the process of signification through literary discourses, French and Persian. We also want to find out how a discourse is made by negation. In other words, the present work aims at describing the different functions of negation and, hence, exploring the role it plays in the production of signification in a literary discourse. Keywords: Negation, difference, semiotics, literal discourse, signification. English Abstracts /69 Trickster in Renart tales and disintegration of the family unit: functionality and meanings Kouacou, Jacques Raymond Koffi Assistant Professor, Alassane Ouattara de Bouaké University, Côte d’Ivoire [email protected] Received: 21.1.2013 Accepted: 14.8.2013 Fox trickster’s building takes into account his connections with social realities of the society. Family cell must be taken into account in the definition of these behavioral mechanisms. Renart doesn’t consider the family ethic that recommends wife’s or husband’s respect and the importance of relationship. His connections are adversarial with the family whose actions tend to destroy. The present study aims to analyze the functioning of such a confrontation between Renart and family whose structure is a miniature representation and the denunciation discourse interest of the authors based rightly on human being behavior and on society. Keywords: Trickster, fox folktales, family, relationship, destruction, denunciation 70/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 From descriptive linguistics to applied linguistics in Côte d'Ivoire: analysis and proposals Kouadio, Pierre Adou Kouakou Félix Houphouët Boigny Abidjan-Cocody University, Côte d’Ivoire Institute of Applied Linguistics & Department of Language Sciences [email protected] Received: 11.1.2013 Accepted: 14.8.2013 This article aims at making a critical analysis of the implementation of Applied Linguistics in Côte d'Ivoire. In Africa, despite the existence of numerous linguistic research institutes and a considerable amount of work description in African linguistics and / or French, the results that were expected are not yet satisfactory. This is the case with the promotion of French language at the expense of local languages which are already sufficiently described to be taught and promoted. We continue to witness the lowering of French among learners. It was also felt that research in linguistics consists solely of description. Scientific research whose results do not serve the community is a fruitless search. Ivorian Linguistic research does not escape this reality. There is a linguistic description without application and without benefit to the various communities to which it relates. In this analysis, we will first of all be discussing the state of implementation of Applied Linguistics in Côte d'Ivoire, then we will give what could be the reasons for what can be called the crisis of Applied Linguistics and finally propose some solutions for a proper implementation of the results achieved by the description. Keywords: Descriptive linguistics, Applied linguistics, Côte d’Ivoire, Analysis, Proposals English Abstracts /71 Study of narratological structure in «The Insurance» of Jalāl Al-é Ahmad Nazri-Doust, Mas’oud Assistant Professor, Université Shahid Chamran d’Ahvaz, Ahvaz, Iran [email protected] Received: 1.2.2013 Accepted: 7.8.2013 In this article we analyze a short story of Jalāl Al-é Ahmad, «The Insurance». As is the case with the major part of his works, this short story has for subject a social problem. What interests us in this article is the analysis of the texture of this short story, which will show the literary value of the text on one hand, and show how this is worked out and constructed on the other. In addition, since the aim of the new criticism gives more importance to the form than to the content, we will see that it is precisely this kind of formal analysis that promotes the emergence of a sense or a synthesis of meanings, and synthesis of imaginations, which are all composed by the author. Thus, paying attention to lexical elements like metaphor paves the ground for perceiving the same meaning or synthesis of meanings. Keywords: narration, short story, realism, structure, nested narratives, metaphor. 72/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 8, Printemps-Été 2013 Study of oral production portfolio of Iranian learners in French (From formative assessment to self-assessment) Rahmatian, Rouhollah Associate Professor, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Mehrabi, Marzieh Postgraduate Student in Teaching FFL, Tarbiat Modaress University, Tehran, Iran [email protected] Kahnemouipour, Jaleh Emeritus Professor, University of Tehran, Tehran, Iran [email protected] Received: 16.2.2013 Accepted: 14.8.2013 Nowadays, specialists of teaching commonly agree that the evaluation should be seen as an integral part of language teaching/ learning and it must be done through different tools more compatible like portfolio. This research aimed at examining the applicability and effectiveness of oral production portfolio in a class of FLE in Iran. Specifically, the components of oral competence, namely, the degree of development of grammar, pronunciation and intonation, fluency of speech, discursive competence and interaction among learners were analyzed. After determining the theoretical framework of the subject and synthesizing it, the results of the field study were presented. The corpus was comprised of 11 adult learners of French at level B1. According to this survey, learners made progress, by means of this approach, in all of identified items of oral production and developed the ability of self- assessment. Keywords: assessment, portfolio, oral production, Iranian learners چکیده های فارسی 1 اثر رولان واگنر « قطعها یی از کتاب دریا » قابلیت های زیست محیطی در داستان کوتاه اسفندیار اسفندی استادیار دانشگاه تهران [email protected] 1392/3/ 1391 تاریخ پذیرش: 21 /12/ تاریخ دریافت: 22 اکوفیکسیون یا داستان تخیلی زیست محیطی، به عناصر روایی (فیلمی یا متنی) اطلاق می شود که از نظریه های کنونی اودیسه » گرایشات زیست محیطی واگنر، نویسندهی رمان ،« قطعه ایی از کتاب دریا » زیست محیطی نشأت میگیرد. داستان کوتاه را به طور واضح و موثر به تصویر می کشد. اگر چه هیچ نو آوری یا برجستگی فنی در این داستان به چشم نمیخورد ولی « انواع اهمیت آن در روشی قرار دارد که نویسنده بکار گرفته است: داستان، پارادایمی غنی حاوی موضوعات جمعی که در تخیلات فرهنگی یک نویسنده ریشه دوانده است را به گونهای نمادین به نمایش می گذارد. وجوه شگفتانگیز، نظیر آنچه در قصه ها می- گذرد، داستان را بر روی گذشته گشوده است؛ اشاراتی ولو گذرا به آینده آنرا بر روی آینده نیز میگشاید؛ همچنین با صداقت و بیآلایشی خاصی روایت شده است. در مقاله حاضر با تکیه بر تحلیل ساختار سمبولیک، گونه شناسی و مضمون اثر واگنر، به جلوه- های زیبایی شناسی آن خواهیم پرداخت. هدف اصلی ما نمایاندن زیر ساخت های درونی و ایدئولوژیکی میباشد که مضامین زیست محیطی در بستر آنها شکل میگیرد. این مضامین از دوران پساصنعتی به این سو، الهام بخش اندیشهها و تخیلات نویسندگان هستند. و اژگان کلیدی: رولان واگنر، تخیل زیست محیطی، داستان علمی-تخیلی، محیط زیست، فنّاوری علمی ، عصر نو. 2 مجله مطالعات زبان فرانسه، سال پنجم، شماره 8، بهار و تابستان 1392 سلب به عنوان فرایند تولید معنا در گفتمان ادبی سمیه کریمینژاد دانشجوی دکتری آموزش زبان فرانسه، دانشگاه تربیت مدرس، تهران [email protected] حمید رضا شعیری دانشیار دانشگاه تربیت مدرس، تهران [email protected] پریوش صفا استادیار دانشگاه تربیت مدرس، تهران [email protected] لطفالله نبوی استادیار دانشگاه تربیت مدرس، تهران [email protected] 1392/2/ 1391 تاریخ پذیرش: 31 /11/ تاریخ دریافت: 17 سلب از دیرباز به عنوان موضوع مطالعه در زمینه های مختلف به ویژه فلسفه، منطق و خصوصا زبان شناسی مطرح بوده است. نشانه-معناشناسی، به عنوان تفکری کلی در زمینه سیستم نشانهها و به عنوان یک علم مرتبط به حوزه معنی سلب را به معنا مرتبط می سازد و اگر از یک فرآیند تولید معنا یک ایجاب ظاهر شود، جهش اولیه به مدد مولدی سلبی رخ داده است. به طور کلی در زمینه سلب رویکردها و نظریههای گوناگونی مطرح هستند. این گوناگونی توسط پیچیدگی سلب قابل توجیه است. در تحقیق حاضر سعی بر آن است که نشان داده شود تحقق یک گفتمان، ظهور نسبیت است. در واقع از دیدگاه نشانه-معنا شناسی سلبیت جزء لاینفک در فرایند تولید معنا می باشد؛ از طرفی از طریق اعمال سلب بر روی معنیِ خام و بی فرم و از طرف دیگر توسط اعمال سلب بر روی اولین تفاوت که باعث ظهور معنا میشوند. بنابراین در تحقیق حاضر سعی بر آن است که مفهوم سلب را مورد بررسی قرار داده و نقش آن را در فرایند تولید معنا از طریق گفتمانهای ادبی فارسی و فرانسه تحلیل کنیم و متوجه شویم چگونه گفتمان توسط سلب ساخته میشود؟ به عبارت دیگر هدف این مقاله توصیف شیوه های عملکرد سلب و بدین ترتیب بررسی نقش آن در تولید معنی در گفتمان ادبی است. کلمات کلیدی: سلب، تفاوت، نشانه- معنا شناسی، گفتمان ادبی، معنا. چکیده های فارسی 3 شخصیت خائن در حکایتهای رنارتی و ساختار نهاد خانواده: کارکردها و معانی ژاک ریموندکوفی کواکو استادیار دانشگاه الاسان اواترا دو بواکه، ساحل آج [email protected] 1392/5/ 1391 تاریخ پذیرش: 23 /11/ تاریخ دریافت: 2 شکلگیری و بازنمایی شخصیت رنارت خائن در ادبیات با واقعیتهای اجتماعی مرتبط است. در میان این واقعیتهای اجتماعی مسالههای مختص کانون خانواده مطرح میشود که این شخصیت بازنمایاننده اتفاقات و کنشهای آن در نظر گرفته میشود. در بسیاری از حکایتها، شخصیت رنارت هیچ ملاحظهای در باب اخلاقیات خانواده و مناسبات احترامآمیز با همسر و خویشاوندان ندارد. روابط این شخصیت حیلهگر با نهاد خانواده تماما در چارچوب نزاع و تنش بوده و در جهت نابسامانی و اضمحلال خانواده پیش میرود. پژوهش حاضر در صدد تحلیل کارکردهای روایی و معنایی این تخاصم بین رنارت و جامعهای است که ژرفساخت- های زندگی خانوادگی بازگوکننده کلیت آن است. از سوی دیگر این مقاله گفتمان افشاگرانه راویان حکایتها را در باره رفتارآدمیان و مختصات جامعه مورد بررسی قرار خواهد داد. واژگان کلیدی: شخصیت خائن، حکایتهای رنارتی، خانواده، خویشاوندی، اضمحلال، افشاگری. 4 مجله مطالعات زبان فرانسه، سال پنجم، شماره 8، بهار و تابستان 1392 گذار از زبانشناسی توصیفی به زبانشناسی کاربردی در کشور ساحل عاج: تحلیل و راهکارها پییر آدو کواکو کوادیو دانشگاه فلیکس هوفاعه بوانی، آبیجان -کوکودی، ساحل عاج [email protected] 1392/5/ 1391 تاریخ پذیرش: 23 /10/ تاریخ دریافت: 28 این مقاله در نظر دارد تحلیلی انتقادی از کاربستهای زبانشناسی کاربردی در ساحل عاج ارایه کند. در آفریقا، علیرغم تعداد فراوان موسسات پژوهشی زبانشناسی و با وجود تعداد قابل توجه کارهای توصیفی در زبانشناسی آفریقایی/فرانسوی، نتایج مورد انتظار همچنان حاصل نشدهاند. همانطور که با وجود گسترش زبان فرانسه و کاهش حضور زبانهای محلی که البته به اندازه کافی مورد مطالعه قرار گرفتهاند، همچنان شاهد نزول سطح زبان فرانسه در میان زبانآموزان هستیم. به نظر میرسد که پژوهشهای صورت گرفته در حوزه زبانشناسی صرفا به توصیف پرداختهاند. و میدانیم که هر پژوهشی که به کار جامعه نیاید، از اساس بیهوده است. پژوهشهای زبانشناسی در ساحل عاج نیز از این قاعده مستثنی نیست. چراکه ما در این حوزه شاهد توصیفهای زبانشناختی هستیم که کاربست و سودمندی واقعی برای جامعههای هدف ندارد. در مقاله حاضر، ما ابتدا شرحی از آنچه زبانشناسی کاربردی در ساحل عاج در نظر گرفته میشود، ارایه میکنیم و سپس با پرداخت به دلایل آنچه بحران در زبانشناسی کاربردی نامیده میشود، پیشنهاداتی برای دست یافتن به نتایج مطلوب ارایه میکنیم. واژگان کلیدی: زبانشناسی کاربردی، ساحل عاج، تحلیل، پیشنهاد چکیده های فارسی 5 مطالعه ساختار روایت در ‹‹دفترچه بیمه›› اثر جلال آل احمد مسعود نذریدوست استادیار دانشگاه شهید چمران، اهواز [email protected] 1392/5/ 1391 تاریخ پذیرش: 16 /11/ تاریخ دریافت: 13 در این مقاله به بررسی یکی از داستانهای کوتاه جلال آل احمد تحت عنوان ‹‹ دفترچه بیمه›› می پردازیم. همانطور که در اکثر آثار این نویسنده مشهود است، این داستان کوتاه نیز یک مسئله اجتماعی را مطرح می کند. آنچه در این مقاله به آن می- پردازیم تجزیه و تحلیل بافت و ساختار اثر ادبی است. بدین ترتیب خواهیم دید که تا چه اندازه این اثر همچون عمارتی هنری ساخته و پرداخته هنر و خلاقیت نویسنده آن است. بررسی ساختاری این اثر با توجه به نگرشهای جدید در نقد که بیشتر به شکل میپردازند، از این لحاظ جالب توجه است که امکان میدهد به معنا و دقیقتر بگوییم، به مجموعه معانیای دست یابیم که نویسنده آن را با قوه تخیل و هنر خویش در متن گنجانده است. از این رو، اصولا توجه به ساختار و عناصری نظیر استعاره است که امکان دریافت همان معنا یا مجموعه معانی را امکانپذیر میکند. کلید واژگان: روایت، داستان کوتاه، واقع گرایی، ساختار، حکایت در حکایت، استعاره. 6 مجله مطالعات زبان فرانسه، سال پنجم، شماره 8، بهار و تابستان 1392 بررسی کارپوشه تولید گفتاری زبان آموزان ایرانی در زبان فرانسه (از ارزشیابی تکوینی به خودارزشیابی) روحالله رحمتیان دانشیار دانشگاه تربیت مدرس، تهران [email protected] مرضیه مهرابی دانشجوی دکتری دانشگاه تربیت مدرس،تهران [email protected] ژاله کهنمویی پور استاد دانشگاه تهران [email protected] 1392/5/ 1391 تاریخ پذیرش: 23 /11/ تاریخ دریافت: 28 امروزه متخصصان علم آموزش بر این باورند که ارزشیابی جزء لاینفک فرایند یاددهی/ یادگیری زبان هاست و باید با استفاده از ابزارهای مناسبی مانند کارپوشه تحقق یابد. هدف پژوهش حاضر، بررسی کاربرد و کارآمدی کار پوشه تولید گفتاری زبان آموزان ایرانی در کلاس فرانسه به عنوان زبان خارجی بوده است. به عبارت دقیق تر، مؤلفه های زبان گفتاری از جمله توانش دستوری، تلفظ و آهنگ کلام، توانش گفتمانی، روانی در کلام و تعامل میان زبان آموزان تحلیل شده است. در این جستار، ابتدا چارچوب نظری موضوع بررسی و سپس نتایج حاصل از تحقیقات مطالعه میدانی ارائه شده اند. جامعه آماری متشکل از یازده زبا نآموز بزرگسال در زبان فرانسه میباشد. بر اساس دستاورد این تحقیق، زبا نآموزان به کمک روش کار پوشه در تمام مؤلف ههای تولید B سطح 1 گفتاری پیشرفت داشت هاند و توانسته اند توانایی خودارزشیابی خویش را رشد دهند. کلید واژگان: ارزشیابی، کار پوشه، تولید گفتاری، زبان آموزان ایرانی. برگ درخواست اشتراک حق اشتراک برای هر شماره (با احتساب هزینه ارسال) 30000 ریال و سالانه 60000 ریال میباشد. لطفاً وجه مورد نظر را به حساب اختصاصی دانشگاه اصفهان به شماره : سیبای ملّی 110227 : کد شناسه – 2177240238002 ارسال فرمایید. « مطالعات زبان فرانسه » واریز و اصل فیش بانکی را به همراه فرم اشتراک به نشانی: دفتر مجله 81744- آدرس: اصفهان: دانشگاه اصفهان، دانشکده زبانهای خارجی، دفتر مجله زبان. کد پستی: 73441 ( (تلفن: 03117932115 دورنگار: 03116687391 www.uijs.ui.ac.ir/relf سامانه نشریه مطالعات زبان فرانسه دانشگاه اصفهان برگ درخواست اشتراک نام و نام خانوادگی/ مؤسسه :................................................................................................................ شغل/نوع فعالیت :...........................................میزان تحصیلات :................................................... نشانی :.............................................................................................................................................. ......................................................................................................................................................... تلفن :................................... کدپستی :...................................صندوق پستی : ................................. شمارههای درخواستی از ....................................... تا شماره.................................. تعداد درخواستی : از هر شماره :......................................... تاریخ : ........................................ امضاء مجله مطالعات زبان فرانسه سال پنجم، شماره 8، بهار و تابستان 1392 فهرست مطالب 1 - اثر رولان واگنر 14 « قطعه ا یی از کتاب دریا » قابلیت های زیست محیطی در داستان کوتاه ■ اسفندیار اسفندی 15 - سلب به عنوان فرایند تولید معنا در گفتمان ادبی 24 ■ سمیه کریمینژاد، حمید رضا شعیری، پریوش صفا، لطف الله نبوی 25 - شخصیت خائن در حکایتهای رنارتی و ساختار نهاد خانواده: کارکردها و معانی 36 ■ ژاک ریموندکوفی کواکو 37 - گذار از زبانشناسی توصیفی به زبانشناسی کاربردی در کشور ساحل عاج: تحلیل و راهکارها 46 ■ پییر آدو کواکو کودایو 47 - اثر جلال آل احمد 56 « دفترچه بیمه » مطالعه ساختار روایت در ■ مسعود نذریدوست بررسی کارپوشه تولید گفتاری زبا نآموزان ایرانی در زبان فرانسه (از ارزشیابی تکوینی به ■ 57 - خودارزشیابی) 66 روحالله رحمتیان، مرضیه مهرابی، ژاله کهنمویی پور  چکیده انگلیسی مقالات 67 چکیده فارسی مقالات مجله مطالعات زبان فرانسه دو فصلنامه علمی پژوهشی زبان فرانسه دانشکده زبانهای خارجی دانشگاه اصفهان 2008 - سال پنجم، شماره 8، بهار و تابستان 1392 ، شاپا: 6571 2322-469X : شاپای الکترونیکی مدیر مسؤول: دکتر محمدجواد 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زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه شهید بهشتی تهران دکتر حسن فروغی استاد گروه زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه شهید چمران اهواز دکتر محمودرضا گشمردی دانشیار گروه زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه اصفهان چاپ و صحافی: چاپخانه دانشگاه اصفهان قیمت : 30000 ریال 81744- آدرس: اصفهان، دانشگاه اصفهان، دانشکده زبانهای خارجی، دفتر مجله زبان. کدپستی : 73441 ( (تلفن : 03117932115 دورنگار : 03116687391 www.uijs.ui.ac.ir سامانه نشریه مطالعات زبان فرانسه دانشگاه اصفهان کمیسیون » 1391 دبیرخانه /5/ 3 مورخ 7 / درجه علمی پژوهشی مجله مطالعات زبان فرانسه، طبق مجوز شماره 99503 وزارت علوم، تحقیقات و فناوری ابلاغ گردیده است. « نشریات علمی راهنمای تدوین مقاله 1. فصلنامه علمی پژوهشی مطالعات زبان فرانسه در حوزه ادبیات، زبانشناسی، آموزش زبانهای خارجی، نظریههای ادبی و ترجمهشناسی، مقاله به زبان فرانسه میپذیرد. 2. مجله مطالعات زبان فرانسه به صورت دو فصلنامه منتشر می شود. 3. مقالات ارسالی نباید به هیچ مجله دیگر ارسال و یا در جایی دیگر منتشر شده باشند. امکانپذیر است. www.uijs.ui.ac.ir/relf 4. ارسال و اطلاع از وضعیت مقالات تنها از 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Livres: Mounin, G. (2008). Les problèmes théoriques de la traduction. Paris: Gallimard. Articles: Thoiron, Ph. & Béjoint, H. (2010). La terminologie, une question de termes?. Meta, 55/1: 105-118. Sitographie: Rheaume, J. (1998). Apprivoiser la technologie éducative, éléments de cours. http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/tv/plxx135.html#bib. Consulté le 20 mai 2001. 13 . اگر به چند اثر از نویسند های مربوط به یک سال ارجاع داده شده است، هم در ارجاعات داخل متن و هم در فهرست منابع، مشخص گردد. a, b, c بلافاصله پس از سال انتشار با حروف 14 . ارجاعات در متن مقاله در میان دو کمان (شامل نام خانوادگی نویسنده، سال انتشار مجله: شماره صفحه) مطابق مثال زیر است: «Chaque langue structure la réalité à sa façon et, par là même, établit les éléments de la réalité qui sont particuliers à cette langue donnée» (Mounin, 2008: 44). 15 . ملاحظات و نکات توضیحی فقط به صورت پانوشت در پایین همان صفحه میآید. شماره این توضیحات باید بلافاصله پس از مطالب مربوط با پانوشت و قبل از علایم نقطهگذاری بیاید و ترتیب پانوشتها با عدد نشان داده شود. پانوشتها باید تنها در مواقع ضرورت برای روشن شدن یک موضوع مرتبط به کار بروند و نه برای یادآوری ارجاعات کتابنامهای. 16 . همهی مقالات به وسیله ی دو داور به طور محرمانه مورد داوری قرار میگیرند. 17 . مجله حق رد یا ویرایش مقالات را برای خود محفوظ میداند. بسم الله الرّحمن الرّحیم مجلّه مطالعات زبان فرانسه دو فصلنامه علمی پژوهشی زبان فرانسه دانشکده زبانهای خارجی دانشگاه اصفهان سال پنجم، شماره 8 2008 - بهار و تابستان 1392 ، شاپا: 6571 2322-469X : شاپای الکترونیکی اولریخ: راهنمای بینالمللی نشریات ادواری دوآج: فهرست مجلات پژوهشی با دسترسی آزاد http://ulrichsweb.serialssolutions.com http://www.doaj.org http://www.ISC.gov.ir پایگاه علوم استنادی جهان اسلام http://www.SID.ir پایگاه اطلاعات علمی جهاد دانشگاهی http://www.magiran.com بانک اطلاعات نشریات کشور http://www.msrt.ir وزارت علوم تحقیقات و فناوری http://www.uijs.ui.ac.ir/relf پایگاه الکترونیکی مجلات دانشگاه اصفهان

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یادگیری یک زبان خارجی: ترکیب زبان فرانسه و زبان عربی

روند تدریس/ یادگیری مهارتهای شفاهی در زبان فرانسه، توسط عرب­زبانان به معنای تصاحب یک سیستم لغوی، دستوری، آواشناختی کاملا متفاوت از زبان مادری می­باشد . این تصاحب، وابسته به نقاط شباهت و تفاوت بین این دو زبان (بیگانه و مادری)، می­تواند باعث تسهیل (انتقال مثبت) و یا باعث ایجاد مانع (ترکیب) شود. هدف از این مقاله بررسی تفاوتهای لغوی، دستوری، آواشناختی بین زبان فرانسه و زبان عربی و بویژه زبان فرانسه...

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